Plus déterminés que jamais !

Après deux ans passés à vivre au rythme du Coronavirus, des confinements - déconfinements - reconfinements, des CODECO, du CST, du gel hydroalcoolique, des masques, des pénuries diverses et des fermetures de pans entiers de notre vie sociale, nous voyons enfin le bout du tunnel. Enfin, c’est ce que nous pensions puisque la crise sanitaire a laissé la place à la guerre en Ukraine avec des conséquences humaines dramatiques pour les Ukrainiens et des répercussions, certes moindres, mais bien réelles, chez nous aussi. Werner Van Heetvelde et Geoffrey Goblet, respectivement président et secrétaire général de la Centrale Générale nous dressent le topo de la situation. 

Avant que la guerre n’éclate en Ukraine, la FGTB se battait pour améliorer les salaires des travailleuses et des travailleurs et leur permettre de faire face à la hausse des prix de l’énergie. Que deviennent ces combats ? 
 

Geoffrey : Il est clair qu’avant que la guerre n’éclate en Ukraine, nous avions déjà du pain sur la planche en tant que syndicat et pas uniquement par rapport aux prix de l’énergie : la montée des idées d’extrême droite, les attaques incessantes contre nos libertés syndicales,  le carcan de la loi de 96, les menaces contre l’indexation automatique des salaires, le pseudo « deal pour l’emploi »… et puis, le 24 février 2022, nous avons appris comme tout le monde que l’armée russe envahissait l’Ukraine. 

Werner : Une guerre, quelle qu’elle soit, n’est jamais une solution, et il n’y a jamais de gagnants. En tout cas jamais dans le camp des travailleurs. Outre le bilan humain, une guerre fait des victimes, détruit des vies, déracine des familles. Et bien évidemment, il n’y a rien de plus dramatique. Néanmoins, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la situation que vivent de nombreux Belges depuis plusieurs mois. Nous devons au contraire être plus déterminés que jamais, nous battre pour obtenir des solutions justes et équitables, à tous les niveaux. Nous ne pouvons pas nous focaliser uniquement sur le prix de l’énergie. Si nous baissons la garde sur les autres sujets, les conséquences pour les travailleurs seront très lourdes. 

Justement, le gouvernement vient d’annoncer de nouvelles mesures pour aider les citoyens à joindre les deux bouts. C’est suffisant ? 
 

Werner : En ce qui concerne les prix de l’énergie, au moment où nous rédigeons ces lignes (le 15 mars), le gouvernement est parvenu à un accord pour aider la population à garder la tête hors de l’eau. Le résultat est le fruit de négociations, nous en sommes conscients, et il y a un certain nombre de bonnes choses, mais pas au point de nous dire que TOUT a été fait… de nombreuses pistes, pourtant réalistes, restent inexplorées, voire ignorées. 

Geoffrey : Une fois de plus, le gouvernement bricole des solutions pour alléger les factures énergétiques, alors qu’il pourrait agir en profondeur s’il allait prendre l’argent là où il se trouve : chez les entreprises qui profitent de la situation et les grosses fortunes. Les mesures qui viennent d’être annoncées coûteront 1,3 milliard d’euros, dont 1,1 milliard  provient des recettes engendrées par la hausse de la TVA et des accises. Et le grand capital ? Quel effort doit‑il fournir ?  

À part taxer le grand capital et lutter contre l’évasion fiscale, existe-t-il d’autres pistes ? 
 

Werner : Le gouvernement a pris un certain nombre de bonnes mesures, mais entre‑temps, les prix augmentent tellement qu’il faut aller plus loin. Selon une récente étude menée par la KULeuven, l’indexation des salaires reste le moyen le plus efficace pour lutter contre la perte du pouvoir d’achat résultant des prix de l’énergie élevés. Or, depuis 1994, le diesel et l’essence ne sont plus repris dans le calcul pour l’indexation automatique des salaires. N’est‑ce pas le bon moment pour les y remettre ? Pour les revenus les plus bas, c’est le tarif social qui reste le meilleur garde‑fou. 

Geoffrey : À moyen terme aussi, des solutions existent. Ainsi par exemple déjà avant l’envolée des prix de l’énergie, nous dénoncions 
la progression trop lente — voire quasi inexistante — des salaires. Depuis 1996, et la loi sur la compétitivité des entreprises, les syndicats n’ont plus la possibilité de négocier librement les augmentations salariales, au nom de la sacro‑sainte compétitivité. Mais d’un autre côté, cette même loi permet aussi de limiter les dividendes. Or, en 26 ans d’existence, cet aspect de la loi n’a jamais été exploité. Pourquoi ? Si le gouvernement n’est pas prêt à utiliser les deux facettes de la loi, il doit la revoir en profondeur. Aujourd’hui plus que jamais. Avec des salaires plus justes, les travailleurs auraient été mieux armés pour faire face aux hausses de prix. Comment voulez‑vous que des travailleurs qui n’y arrivaient déjà pas avant puissent faire face à la situation actuelle ? 

Vous comprenez que de plus en plus de travailleurs et les délégués en particulier sont au bout du rouleau ? Epuisés par la crise du Corona et maintenant par la flambée des prix. 
 

Geoffrey : Évidemment, nous en sommes conscients. Nous tirons notre chapeau à nos délégués qui sont restés sur le pont durant 
la crise du Corona. Nous sommes conscients des efforts et des difficultés qui ont fait leur quotidien durant deux ans. Mais la situation que nous connaissons aujourd’hui mérite elle aussi toute notre attention et nos efforts. 

Werner : Et ce n’est pas à nos délégués que nous devons le dire : ils le savent mieux que quiconque. De plus en plus de Belges n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Aujourd’hui,  la situation devient dramatique. Plus que jamais, les travailleuses et les travailleurs ont besoin de leurs délégués et d’un syndicat offensif et fort. Et ce n’est que tous ensemble que nous y arriverons. Ensemble plus fort !