La Grande enquête coronavirus et travail de la FGTB

La FGTB a effectué un sondage auprès des travailleurs du 8 au 22 avril 2020. Près de 10.000 travailleurs (9.824) ont répondu à cette grande enquête sur le travail en période de coronavirus. Parmi les travailleurs répondants, plus d’un tiers ont été mis en chômage temporaire (35.5% des répondants) alors qu’un quart d’entre eux (23,48%) ont effectué du télétravail de manière structurelle, 28,60% ont dû continuer à se rendre au travail comme avant et 2,11% ont perdu leur emploi à cause de la crise du coronavirus.

Une inquiétude palpable et des risques psychosociaux lors de la reprise progressive du travail.

La crise sanitaire que nous vivons suscite vraisemblablement de nombreuses inquiétudes dans le chef des travailleurs. Parmi les travailleurs en télétravail, 25,79% ont des inquiétudes quant à leur avenir professionnel. Ces inquiétudes portent sur une répercussion de la crise sur la santé de l’entreprise ou leurs conditions de travail. Pour les travailleurs qui travaillent encore, comme avant la crise, le taux d’inquiétude augmente légèrement à 29,79%.

Ces chiffres permettent de penser que les travailleurs ayant conservé leur poste ou leur activité pendant le confinement, sont majoritairement confiants sur leur avenir professionnel.

En revanche, pour les personnes ayant dû recourir au chômage temporaire. 58,61% des travailleurs sont inquiets de leur avenir dans leur entreprise ou leur institution de travail.

Une grande majorité des travailleurs appréhende avec crainte et angoisse la reprise progressive du travail. Il ressort de notre enquête que plus de ¾ des travailleurs (83,5%) estiment que cette crise pourrait ou aura des conséquences sur leur santé physique ou mentale.

enquete fgtb

72,02% des travailleurs considèrent qu’ils auront un risque de stress accru à la reprise du travail. 26,68% des travailleurs pensent encourir un risque de dépression et 46,05% ont peur de subir une fatigue intense.

Ces résultats montrent que les entreprises et décideurs ne devront pas sous-estimer l’impact psycho-social et physique lié à la reprise progressive des activités économiques. En effet, on ne redémarre pas le travail humain comme on redémarre une machine. A cet égard, rappelons que le burnout et le stress au travail ont déjà explosé ces dernières années.

Des travailleurs obligés de continuer leur travail au cœur de la crise qui « se sentent en danger ».

Plus d’1 million de travailleurs ont continué à se rendre au travail. Au cœur de la crise sanitaire, ces travailleurs se sont sentis en danger. La majorité (56,23%) de nos répondants abondent dans ce sens. 46,4% des travailleurs ont confirmé leur angoisse malgré les mesures spécifiques de protection établies par leur employeur. Près de 10% (9,25%) se sont, quant à eux, retrouvés sans matériel spécifique de protection ou n’ont pu appliquer la distanciation sociale à cause de la nature de leur métier.

Nous constatons également que 39,79% des travailleurs, qui ont dû continuer leur travail durant la crise, déclarent avoir eu une augmentation de leur charge de travail. Seuls ¼ des travailleurs ont pu obtenir une prime, une valorisation salariale ou pour le moins entamer des négociations sur l’établissement d’une éventuelle prime. Cela signifie que la toute grande majorité de ces travailleurs n’a pas pu obtenir de valorisation salariale ou de prime.

L’importance de la concertation sociale et le rôle positif des syndicats.

En plein cœur de la crise, le rôle de la concertation sociale a été fondamental dans la bonne mise en œuvre des mesures de protection de la santé et de la sécurité au travail ou dans l’organisation du télétravail. Ce rôle positif a également été souligné par une partie conséquente des répondants. Ainsi, plus d’1 travailleur sur 4 encore en activité durant la crise (27,15%) déclare que l’organisation du travail a fait l’objet d’une concertation et que ce dialogue a apporté des changements positifs.

1 travailleur sur 5 en télétravail (21,02%) estime que la concertation a apporté des changements positifs dans la mise en place du télétravail.

Pour les travailleurs mis en chômage temporaire ayant répondu à l’enquête, le rôle d’information et de soutien des organisations syndicales a été particulièrement important.

Près de ¾ des répondants en chômage temporaire estiment avoir été suffisamment informés sur la procédure de chômage temporaire par leur syndicat. Tandis que ¾ des répondants en chômage temporaire (77,74%) se déclarent satisfaits de la gestion de crise par leur syndicat.  

Un impact financier important pour les travailleurs.

Les personnes mises en chômage temporaire pour raison de coronavirus ont rencontré d’énormes difficultés à joindre les deux bouts. Pour rappel, ces travailleurs (plus de 750.000 pour le mois de mars) ont dû subvenir à leurs besoins avec une allocation correspondant à 70% du dernier salaire plafonné à 1754€ bruts, complétée par un montant journalier de 5,65€. Cette baisse de revenu a plongé nombre de travailleurs dans une situation d’inquiétude et de précarité financière. En effet plus de 6 travailleurs sur dix (63,95%) en chômage temporaire se sentent inquiets quant à leur situation financière. Alors que plus de 4 travailleurs en chômage temporaire sur 10 (43, 52%) jugent leur situation financière très compliquée.

Notons enfin, que seuls 17,91% d’entre eux ont bénéficié d’un complément à l’allocation de chômage temporaire, versé soi par le secteur soit par l’entreprise.

La FGTB exige un plan d’urgence sociale.

La FGTB a tout mis en œuvre afin d’obtenir des premières avancées sociales. Ainsi, très tôt la FGTB a obtenu le relèvement des allocations de chômage temporaire (70% du dernier salaire perçu plafonné), a adopté des lignes directrices pour le retour progressif au travail dans le respect de la sécurité et de la santé au travail ou encore s’est battue pour que les parents aient droit à un congé parental exceptionnel lié au coronavirus. Toutefois, il reste du pain sur la planche.

Face aux conséquences sociales de la crise et en vue d’éviter que la reprise s’accompagne d’un choc de la demande et d’une crise sociale importante, la FGTB exige la mise en place d’un plan d’urgence sociale.

Ce plan d’urgence sociale devra en premier lieu, veiller à éviter que des milliers de travailleurs se retrouvent aux portes de la pauvreté. A cet égard, la FGTB plaide pour un rehaussement des allocations sociales minimales au-dessus du seuil de pauvreté.

En outre, si de nombreux travailleurs se sont retrouvés au chômage temporaire, l’indemnité prévue reste relativement faible et ne permet pas aux travailleurs d’envisager l’avenir immédiat de manière sereine. Dès lors, la FGTB plaide pour un rehaussement des allocations pour chômage temporaire à 80% du dernier salaire plafonné à 3.600€ bruts (plafond pour l’assurance maladie-invalidité). Il conviendra également de revoir la fiscalité sur ces allocations.

La FGTB appelle également les Gouvernements compétents à aider les ménages. La consommation sera un des moteurs importants d’une reprise économique pérenne et soutenue. A cet égard, à côté des aides apportées aux entreprises en difficulté, les Gouvernements doivent, en fonction de leurs compétences, investir dans les ménages au travers d’allocations directes, d’aides pour les crédits à la consommation ou d’interventions directes dans les frais généraux indispensables (eaux, gaz, électricité).

Plus que des applaudissements, nous estimons que les travailleurs qui ont été mis à contribution durant la crise doivent bénéficier d’une revalorisation. Revalorisation de leur statut d’une part mais également revalorisation de leur salaire. La FGTB rappelle qu’elle plaide notamment pour que le salaire minimum interprofessionnel soit  de 14€/heure (2.300€/mois).

Enfin, le retour progressif au travail ne doit pas se faire à la hâte. La FGTB exige que secteur par secteur, entreprise par entreprise, le retour progressif se fasse dans le respect de la concertation sociale. Tout doit être mis en œuvre pour assurer la santé et la sécurité des travailleurs sans quoi ceux-ci ne doivent tout simplement pas recommencer à travailler. Enfin, devant l’exposition accrue au risque de contracter le coronavirus lors du retour progressif au travail, la FGTB demande qu’il soit envisagé que le coronavirus soit reconnu comme maladie professionnelle.