Pas de recette miracle, mais des solutions concrètes

Suite au départ à la pension d’Eric Neuprez, Geoffrey Goblet a été élu comme nouveau secrétaire général de la Centrale Générale – FGTB. Avec Werner Van Heetvelde, président, ils forment le nouveau duo à la tête de la CG. Geoffrey est Liégeois et il est issu d’une lignée de grands syndicalistes. Il est actif depuis toujours dans l’univers syndical, il a d’abord été responsable de la communication pour notre centrale avant de devenir président de notre section liégeoise et d’endosser aujourd’hui les fonctions de secrétaire général. Une prise de fonctions qui se fait à un moment charnière. Alors que nous subissons encore les assauts du Corona, il est primordial de déjà anticiper l’après crise. Qui va la payer? Quel monde veut-on pour demain ? Va-t-on se contenter de ressortir les modèles néo-libéraux qui ont clairement montré leurs limites ?

Werner Van Heetvelde et Geoffrey Goblet nous en disent plus sur les enjeux qui nous attendent.

‘La santé c’est sacré mais…’

Werner : La situation que nous connaissons aujourd’hui est particulièrement anxiogène parce qu’elle touche à ce que nous avons de plus précieux : notre santé. Et on est tous d’accord pour dire que la santé, c’est sacré mais… Car il y a un ‘mais’. La santé est importante, mais l’économique l’est encore plus aux yeux de certains patrons. Plus dramatique : nous avons aujourd’hui des travailleurs qui veulent coûte que coûte rester au travail, même au péril de leur santé, parce qu’ils ne peuvent pas survivre financièrement sans leur job. C’est un désastre.

Geoffrey : Nous réclamons depuis des années une hausse des salaires les plus bas et des allocations sociales parce que justement, il faut plus de garde-fous qui protègent les gens de la précarité financière. Aujourd’hui, ce n’est clairement pas le cas et la crise ne fait qu’amplifier une situation déjà tendue. Bientôt les négociations pour l’accord interprofessionnel (AIP) vont débuter. On sait très bien que celles-ci seront particulièrement difficiles avec les patrons, mais les enjeux sont de taille. L’un des principaux défis réside notamment dans l’augmentation substantielle du salaire minimum.

Werner : Aujourd’hui, les travailleuses et les travailleurs de nombreux secteurs, dont beaucoup se sont révélés essentiels durant la crise du coronavirus, gagnent un salaire horaire de moins de 14 €. C’est totalement insuffisant. Cette fois, il faudra plus que des cacahuètes. Augmenter le salaire minimum, c’est aussi donner du souffle à l’économie. Vous pensez vraiment que les gens qui ont juste assez pour vivre vont placer les quelques euros qu’ils n’auront peut-être pas dépensés ce mois-ci sur un compte dans un paradis fiscal? Sérieusement, augmenter les salaires minimums c’est accélérer la relance économique. C’est de l’argent qui sera directement réinjecté dans l’économie.

Geoffrey : Plusieurs études nous disent qu’en tenant compte du coût de la vie en Belgique, le salaire minimum devrait s’élever à 14 € brut de l’heure ou 2.300 € par mois. C’est notre objectif et nous ne lâcherons pas. Même si nous savons que nous ne l’obtiendrons pas en une fois, c’est l’objectif vers lequel nous devons tendre. Et ce n’est pas à coups de 10 centimes par AIP que nous allons y arriver. Cette fois, il faudra une réelle augmentation des salaires les plus bas.

L’extrême droite, une menace sournoise

Geoffrey : Une autre préoccupation majeure réside dans la montée de l’extrême droite en Belgique. C’est une véritable menace, différente de la crise économique mais au moins tout aussi dangereuse. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une société de plus en plus polarisée. Les citoyens sont déçus par les politiques au pouvoir, ils n’ont plus confiance et se tournent vers les extrêmes. Le danger, c’est que c’est notre démocratie elle-même qui est ainsi menacée et avec elle, nos libertés.

Werner : Entre-temps, il y a un nouveau gouvernement qui est pleinement fonctionnel. Evidemment, ce n’est pas un gouvernement de gauche, et les attentes sont énormes. Nous devrons rester vigilants et fixer des priorités. Mais quand on voit les résultats des sondages en faveur de l’extrême droite, il y a urgence pour les prochaines élections. Il faut arriver à inverser la vapeur avant les élections de 2024. Sans quoi, nous allons droit dans le mur.

Geoffrey : Notre objectif est clairement de renforcer la démocratie et cela se fait à plusieurs niveaux. Au niveau politique, évidemment, mais aussi au niveau syndical. De plus en plus souvent nos libertés syndicales sont attaquées, or elles sont indispensables pour défendre les droits des travailleurs. Condamnations, astreintes, menaces… et demain, quoi ? Criminalisation de nos actions ?

Werner : C’est vrai, et pour enrayer ces attaques, nous avons besoin des travailleurs derrière nous. D’abord au travers des élections sociales qui vont nous renforcer, mais aussi avec des travailleurs qui soutiennent leurs délégués sur le terrain. Seul, un délégué ne peut rien changer, avec ses collègues, tout ou presque devient possible. Et là, c’est la responsabilité de chacun d’être solidaire.

Une crise sans issue ? 

Werner : Nous savons que la recette miracle n’existe pas, mais des solutions pour sortir de la crise existent vraiment. Evidemment, pour cela il faut casser les anciens modèles néo-libéraux et repartir sur des modèles plus justes et plus équitables pour tous. Cela demandera au gouvernement une bonne dose de courage et d’audace, mais c’est possible. Par exemple en repartageant le temps de travail, sans perte de salaire au travers de réductions collectives du temps de travail. Il faut aussi permettre à ceux qui ont bossé toute une vie de s’arrêter de travailler à temps, pour profiter de la vie avant d’être grabataire et laisser la place aux jeunes.

Geoffrey : Et que l’on ne nous dise pas que les caisses sont vides. Celles des travailleurs et des allocataires sociaux oui, de certains employeurs, probablement, mais certainement pas celles des grosses fortunes. C’est à ce moment-là que le gouvernement devra faire preuve de courage et oser des mesures fortes, comme par exemple la taxation des grosses fortunes. Aujourd’hui encore, c’est un sujet tabou. Or, tout le monde sait que le système de taxation actuel est profondément injuste. Les très riches sont ceux qui contribuent le moins. Et s’ils sont immensément riches, ils arrivent même à ne rien payer du tout. C’est déjà immoral en temps normal. En temps de crise, ça devient criminel.