Sortir du cycle de la violence

Quand on parle de violences sexistes ou sexuelles sur le lieu de travail, de quoi parle-t-on exactement  ? La définition est large. Il peut s’agir de gestes déplacés, de propos grossiers, de remarques gênantes sur la tenue ou le physique de la victime, d’écrits ou de propos à caractère sexuel, de l’envoi de textes ou de photos obscènes, d’invitations gênantes, et, malheureusement de contacts physiques imposés, de rapports sexuels forcés. Un cycle de violence qu’il est essentiel d’enrayer dès les premiers signes d’agression.

L’asbl « De Maux à Mots » lutte au quotidien contre toutes les formes de violences sexuelles. Cindy Renski, présidente, nous en parle. «  La violence sexiste, ça commence généralement par des paroles blessantes ou infantilisantes, une fausse bienveillance rétrograde, des blagues douteuses, auxquelles personne ne prête attention, tant la culture du sexisme est ancrée dans notre société, comme une mauvaise tradition. Si on ne désamorce pas la situation dès le départ, la personne qui exerce la pression morale prend le pouvoir. Il peut s’ensuivre des attouchements, des violences physiques. La victime se referme alors sur elle-même. Les femmes qui subissent ou ont subi le sexisme au travail se sentent en effet coupable de leur situation. » Tout le monde a un rôle à jouer. Collègues, témoins, peuvent intervenir et dire « stop ».

Très souvent, la peur des représailles ou la crainte de perdre son emploi pousse la victime à s’enfermer dans une forme de passivité, et tenter d’éviter au maximum d’aborder le problème. « La victime amène alors son angoisse à la maison, elle commence à avoir une crainte du travail, et là tout s’enchaîne : arrêt de travail, impossibilité de revenir, c’est la victime qui se retrouve écartée. Alors que c’est elle qui a besoin d’assistance psychologique et de soutien. »

Burn out, dépression, crises d’angoisse, perte de confiance ou d’estime de soi, les conséquences sont nombreuses. Dès lors que pouvons-nous faire ? Agir, au plus tôt. « Nous insistons auprès de chaque personne concernée : il faut parler. Déposer une plainte, s’adresser à son représentant syndical ou à sa direction. Pour convaincre la victime de faire le pas, nous essayons d’activer un réflexe de protection de l’autre. En expliquant que dénoncer le problème évitera à d’autres travailleuses de subir la même chose. Nous insistons également sur le fait qu’il y a des lois et que celles-ci doivent être appliquées. Dénoncer c’est aussi avancer dans sa reconstruction, se permettre de se faire aider, obtenir l’écoute nécessaire afin de récupérer la confiance en soi. »

Nadine, nettoyeuse, a sonné l'alarme à temps

En tant que femme de ménage dans un hôtel, je rencontre toutes sortes de clients. Selon l’humeur du client de l’hôtel, qui est donc aussi mon client, je suis confrontée à de multiples situations. La plupart des clients sont amicaux et compréhensifs et quittent souvent leur chambre lorsque je viens la nettoyer. Mais avec d’autres, c’est moins facile. Par exemple, il y a quelques années, j’ai dû faire face au harcèlement sexuel au travail. La première fois que je suis allée nettoyer la chambre d’un homme d’un certain âge, il a ouvert la porte... sans vêtements !

 

Bien sûr, j’ai été choquée. Je lui ai poliment demandé de bien vouloir passer des vêtements. Et il l’a fait. La fois suivante, quand je suis retournée laver sa chambre, une nouvelle mauvaise surprise m’attendait. Après avoir frappé à la porte, je suis entrée et j’ai trouvé l’homme nu sur le lit. Je me suis vite rendu compte que je ne pourrais pas régler cette situation seule. J’ai donc décidé de partir — sans faire le ménage — et j’en ai parlé avec mon employeur. Il a directement contacté le directeur de l’hôtel et celui-ci a, à son tour, contacté le client de l’hôtel.

Témoignage

Cathy a été élue pour la première fois lors des récentes élections sociales. En tant que déléguée, elle souhaite avant tout offrir une oreille attentive aux collègues qui ont des questions ou des difficultés. Et elle est déterminée à s'attaquer aux problèmes qui se posent dans l'entreprise. « Depuis toute petite, je ne supporte pas l'injustice. Par le passé, je travaillais dans une entreprise où les propos misogynes et racistes étaient monnaie courante. J'ai immédiatement pris la parole contre cela. Mais la situation est devenue intenable. Je suis devenue un problème pour la direction, et j'ai finalement dû partir. Il n'y avait pas de représentation syndicale… Quand j'ai commencé à travailler chez ALVANCE Aluminium, il y a deux ans, ma décision a été rapidement prise : je voulais me rendre utile en tant que représentante syndicale. »

Une des rares femmes

L’entreprise n'emploie que quelques femmes, sur un total de 650 travailleurs. Cathy est la seule femme de son unité. « Au début, j’ai ressenti quelques réticences. J'ai eu le sentiment d'être 'un intrus' dans un bastion d’hommes. Mais ça a vite changé. Nous avons une bonne équipe, il y a beaucoup de respect entre les collègues, et ils savent de quoi je suis capable.

Je débute en tant que délégués syndicale. Ce sont mes premiers pas ! J’évolue actuellement dans mon rôle avec le soutien de mon délégué principal. Mais il y a un certain nombre de choses sur lesquelles je veux travailler dans les années à venir. Premièrement, nous devons avoir un point de contact accessible, pour pouvoir prendre en charge les problèmes des collègues à temps. Deuxièmement, il faut recruter plus de femmes. Enfin, je veux garantir l'équité et la justice pour toutes et tous, dans l’entreprise. »

Cathy Van Rymenam, déléguée de l'entreprise métallurgique ALVANCE Aluminium

Le silence n’est PAS une option

L’Observatoire européen fait également le constat suivant : sortir du silence est extrêmement difficile. Dénoncer une situation, c’est éventuellement prendre le risque d’un conflit avec son employeur, voire de perdre son emploi. De nombreuses femmes préfèrent subir remarques désobligeantes et commentaires en silence. Les femmes qui osent évoquer le problème à un supérieur ou à un représentant syndical restent peu nombreuses : 9 à 16 % selon les cas. Notons que ce chiffre augmente à 27 % chez les femmes de moins de 25 ans, tandis qu’il descend à 10 % chez les travailleuses « âgées ». Les différents mouvements de libération de la parole ont en effet certainement eu un impact plus grand parmi les jeunes.

L’enquête « JUMP » confirme : plus de huit femmes sur dix déclarent ne jamais avoir fait appel aux autorités (entreprise, police…) pour dénoncer les faits subis). Un lieu de travail exempt de sexisme commence pourtant avec la parole de toutes et tous. Luttons au quotidien contre les comportements problématiques.

Témoin du sexisme sur le lieu de travail ?

En tant que témoin, vous avez un rôle à jouer. N’hésitez pas à condamner ouvertement le sexisme, à en parler à votre délégué et/ou à un responsable. Se taire face à des comportements inacceptables, c’est se rendre complice. Les organisations syndicales et les employeurs ont mis en place dans l’entreprise des procédures d’accompagnement des travailleuses victimes de harcèlement sexuel et ou de propos sexistes. Le problème peut être signalé à l’employeur via un·e représentant·e syndical·e, ou à la personne de confiance, ou au conseiller en prévention chargé des aspects psycho-sociaux. Le rôle de la personne de confiance est d’écouter, de soutenir la victime, de conseiller les différentes pistes existantes, d’orienter vers les services adéquats. Il ou elle peut faire office de médiateur.

Une blague qui blesse n’est pas drôle

Restons vigilants, ensemble, pour une communication respectueuse. Chacun peut surveiller son langage et ses actions, pour éviter d’avoir un mot ou un geste blessant. Certaines formes de sexisme sont plus «  subtiles  » que d’autres. Essayez de les identifier, et réagissez de manière conséquente. Même si ce n’est « qu’une blague ». Les blagues ne sont pas drôles quand elles font mal. Cela s’applique à vous-mêmes, à vos proches, à vos collègues.

Être ouvert aux différences

Une vision rigide de la société renforce les stéréotypes. Acceptons les différences, renforçons le respect. Nous sommes tous différents et c’est une bonne chose. Pourtant, nous devons nous assurer que nous avons toutes et tous les mêmes droits.

Soyez à l’écoute

Quelqu’un se confie à vous ? Écoutez sans préjugés et faites votre part du travail : apportez votre soutien, vos conseils, et orientez votre collègue.

L’institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes vous propose également un formulaire de signalement, ainsi qu’un point « info » sur la question. N’hésitez pas à consulter leur site.