Pour Agfa, les héros de la crise, ce sont les actionnaires, pas les travailleurs

La direction d'Agfa Gevaert a toujours dit à ses travailleurs qu'il n'y avait pas d'argent pour des primes. Pour la direction, "Chaque euro dépensé doit être mûrement soupesé". Jusqu'à ce qu'en mars, les résultats trimestriels tombent : la société rachète et détruit plus de 50 millions d'actions. Une opération lucrative pour le conseil d'administration et les actionnaires. Comment ça, pas d'argent ?

Selon sa direction, la multinationale belge Agfa Gevaert (située en Mortsel, dans la province d'Anvers) n'a pas d'argent: la crise rend l'économie morose et le cours de l'action fluctue. Il n'y a donc aucune marge de manœuvre pour répondre aux demandes des travailleurs. Même une prime Corona n'est pas une chose envisageable pour la direction.

Pas de beurre dans les épinards, mais un parachute doré

Les travailleurs sont restés actifs tout au long de la crise, malgré l'apparition de la pandémie et tous les risques sanitaires qu'elle comportait. En effet, la production chez Agfa Gevaert a été considérée comme essentielle. Et malgré tout, l'entreprise refuse de verser une prime ‘corona’ à ses travailleurs. Or, de nombreuses autres entreprises ont accordé une telle prime à leurs travailleurs. Au contraire, "chaque euro dépensé doit être mûrement soupesé ", comme le dit la direction, et les travailleurs ont donc reçu une tablette de chocolat en cadeau en 2020.

À ce moment-là déjà, la coupe était pleine. En effet, le précédent PDG de l'entreprise a reçu un parachute doré de plus de 6 millions d'euros début 2020. Et ce alors qu’il avait lui-même démissionné pour devenir membre du conseil d'administration. Le goût amer du morceau de chocolat n’en est que plus fort. Et quand après une année de crise, il est apparu qu'Agfa Gevaert était prête à racheter et à détruire des quantités massives d'actions pour récompenser généreusement ses actionnaires - la première récompense en 14 ans selon la presse – la colère des travailleurs a explosé.

"C'est une gifle pour les travailleurs", témoigne Tom Vercammen, délégué syndical FGTB Chimie chez Agfa Gevaert. "Les travailleurs en ont assez : ils ont travaillé pendant toute l'épidémie de corona pour maintenir l'entreprise à flot, tandis que la direction de l'entreprise ne fait que créer de l'argent dans leur dos."

Pas selon les accords

Le fait qu'Agfa-Gevaert va racheter 50 millions d'euros de ses propres actions à partir du 1er  avril 2021 a été annoncé en mars lors des résultats trimestriels. En outre, 4 millions d'actions propres détenues par Agfa seront détruites. Tout cela pour s'assurer que les autres actionnaires pourront compter sur un dividende plus élevé à l'avenir. Parmi les actionnaires détenant une participation importante figurent des membres du conseil d'administration.

"Cette décision ne respecte pas les accords", déclare Tom Vercammen. "Au bas de l'échelle, un seul mot d’ordre : épargner, épargner et encore épargner, tandis qu'en haut de l'échelle, on ouvre grand le porte-monnaie au nom de dividendes plus élevés." La délégation FGTB Chimie au sein de l'entreprise juge l'attitude de la direction incompréhensible. Les travailleurs veulent agir. Pendant la grève générale du 29 mars, l'entreprise a été quasiment paralysée. "Les travailleurs en ont assez", dit Tom Vercammen. "Les investissements en personnel et en installations sont réduits au minimum. Dans de nombreux départements, il n’y a pas assez de personnel et la pression et la flexibilité du travail ne cessent d’augmenter. Pour la direction, investir dans la formation et l'emploi n’est manifestement pas important... mais dans ce cas, détruire des actions, c’est aller trop loin pour les travailleurs."