Toutes concernées, mais pas toutes exposées au même risque

L’Observatoire démontre également que toutes les femmes ne sont pas soumises au même niveau de risque, face à ces agressions. Plusieurs profils de femmes sont davantage exposés au phénomène, à savoir  : les travailleuses jeunes, issues d’un milieu urbain, déjà discriminées pour leur orientation sexuelle ou leur religion, victimes de violences sexuelles par ailleurs ou par le passé, employées dans un environnement de travail masculin ou forcées à porter des tenues de travail considérées comme « sexy ».

Le facteur « âge » joue un grand rôle. 42 % des femmes de moins de 30 ans ont vécu « au moins une » forme de violence sexiste et sexuelle sur leur lieu de travail au cours de l’année précédant l’enquête, contre 28 % des trentenaires, 24 % des quadragénaires et 16 % des quinquagénaires.

La double peine des minorités

Les résultats de l’étude démontrent que les femmes issues de minorités religieuses, en plus de subir des violences ou discriminations liées à leurs croyances, vivent également le sexisme de plein fouet. Ainsi, deux fois plus de femmes musulmanes (que de femmes qui se décrivent comme catholiques) ont vécu « au moins une » forme de violence sexiste et sexuelle sur leur lieu de travail au cours de l’année précédant l’enquête. « Cette surreprésentation des Musulmanes parmi les victimes récentes doit s’expliquer par des ‘effets de structure’  : la population musulmane étant surreprésentée dans les pans de la population les plus exposés à ces formes ‘d’harcèlement’ (ex. : jeunes, catégories populaires, grandes agglomérations). Mais elle met aussi en évidence les interactions entre les discriminations liées au genre et d’autres motifs comme les origines, la couleur de peau ou une religion réelle ou supposée », indique François Kraus, directeur du pôle «  Genre, sexualités et santé sexuelle » de l’Ifop, qui coordonnait l’étude.

Le même principe s’applique aux femmes issues de minorités sexuelles. Les femmes bisexuelles ou lesbiennes sont plus souvent victimes de violences sexistes et sexuelles au travail : 36 % d’entre elles, soit presque deux fois plus que les hétérosexuelles (21 %). Les faits les plus rapportés : propos obscènes, envoi de vidéos inappropriées, propositions à connotation sexuelle… On le voit, les préjugés et clichés ont la vie dure. Le « problème » avec la tenue de travail imposée Il faut le dire et le répéter : en aucun cas la tenue portée par la victime n’est la cause de son agression. Dans 100 % des agressions sexuelles, le responsable, c’est l’agresseur. Pourtant, la tenue est encore largement perçue (à tort) comme une incitation, ou plutôt est utilisée comme « excuse » pour justifier le comportement machiste ou l'agression. C'est également le cas sur le lieu de travail. L’Observatoire européen du sexisme et du harcèlement sexuel au travail démontre que les femmes qui sont contraintes de travailler en uniforme ou dans une tenue de travail qui laisse apparaître leurs formes (exemple : jupe obligatoire, port de talons…) sont le plus souvent victimes d’agressions graves. C’est dans cette catégorie de travailleuses que l’on trouve le plus de femmes (33 %) ayant eu un rapport sexuel « forcé » ou «  non désiré  ».

«  Cela soulève donc la question des tenues de travail genrées qui peuvent accentuer la pression sexuelle sur les femmes en en faisant des 'objets de désir' stéréotypés, notamment dans des secteurs (ex. : services publics, hôtellerie, restauration…) où elles sont directement en contact avec le public. »

Des agresseurs à tous les échelons

Et les agresseurs dans tout ça  ? Contrairement aux idées reçues, les agresseurs ne sont pas uniquement les supérieurs hiérarchiques. Collègues directs, mais aussi clients, fournisseurs, visiteurs externes se partagent le triste gâteau. « La seule situation dans laquelle une fraction significative de femmes (à 34 %) rapporte avoir été harcelée par un supérieur a trait aux pressions psychologiques exercées pour obtenir un acte sexuel en échange par exemple d’une promotion ou d’une embauche. Les autres formes de violence sont soit le fait de collègues n’exerçant pas d’autorité hiérarchique —  notamment les remarques gênantes sur le physique (à 46  %) ou les propos à connotation sexuelle (à 38  %)  —, soit le fait de personnes extérieures comme des clients ou des fournisseurs (comme par exemple pour la réception de cadeaux gênants à 61 %). »