Migrer à la recherche d’un emploi : travailleuses domestiques zimbabwéennes en Afrique du Sud

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De par le monde, des femmes et des hommes quittent leur pays à la recherche d’un emploi et de quoi survivre. En Afrique du Sud, nous avons examiné la situation des travailleurs migrants dans le secteur du travail domestique. Eunice Dhadsla est une syndicaliste au sein de SADSAWU, l’organisation syndicale qui regroupe les travailleurs domestiques et avec laquelle coopère le FOS en Afrique du Sud. “Toutes les travailleuses domestiques dans ce pays sont confrontées aux mêmes problèmes : des bas salaires, des heures supplémentaires non payées, l’intimidation sexuelle, etc. Et pour les travailleurs migrants, la situation est encore souvent plus difficile” déclare-t-elle.

Quels sont donc les problèmes majeurs que rencontrent les travailleurs migrants dans le secteur du travail domestique ?

“Ils ont, plus que d’autres, peur de défendre leurs droits et les employeurs en profitent pour comprimer les salaires. Dans un deuxième temps, si le travailleur étranger vient à protester, l’employeur menace d’appeler la police ou le service des étrangers.

Les employeurs pratiquent aussi la stratégie du ‘diviser pour régner’. Ainsi, par exemple, ils emploient deux travailleuses domestiques, la première sud-africaine, la seconde étrangère. Cette dernière sera souvent disposée à travailler plus durement pour un salaire inférieur et acceptera toutes les tâches. L’aide-ménagère sud-africaine subira des pressions et sera licenciée si elle oppose un refus. L’employeur prendra alors à son service un deuxième travailleur migrant qui, parfois, est un membre de la famille de la travailleuse étrangère qu’il occupe déjà. Cette façon d’opérer suscite un vif mécontentement parmi les travailleuses sud-africaines et engendre la xénophobie et le racisme. En tant que syndicat, nous martelons sur le fait que les responsables ne sont pas les travailleurs, mais les employeurs. Cela reste, toutefois, une question épineuse.”


Pour de nombreuses personnes en Belgique, c’est un déjà vu qui porte le nom de ‘dumping social’. Que fait l’organisation syndicale ?

“Nous recrutons activement des migrant workers. Nous jugeons important de les affilier au syndicat. Notre tâche première consiste ensuite à examiner s’ils entrent en ligne de compte pour des papiers. Selon la législation sud-africaine, les travailleurs migrants séjournant depuis cinq ans dans le pays, ont droit à un permis de travail. Nombreux sont ceux qui ignorent cette disposition légale.

Nous organisons également des formations consacrées à leurs droits. En effet, même certains travailleurs migrants avec papiers croient qu’ils ne peuvent prétendre aux droits de travail dans ce pays. Nous leur faisons comprendre que tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité, ont les mêmes droits. Nous tentons de les rendre plus assertifs et de renforcer leur confiance en soi afin qu’ils revendiquent effectivement ce à quoi ils ont droit.”

“Nous œuvrons aussi de concert avec des ONG et d’autres organisations syndicales, au problème des soi-disant employment agencies. Ce sont souvent d’obscures petites agences intérimaires qui font passer la frontière à des travailleurs et les mettent illégalement au travail. Dans les faits, ils pratiquent la traite d’êtres humains. Ce sont des histoires bouleversantes : ils sont privés de leur passeport, logés dans des conditions inhumaines et reçoivent un salaire de misère.

Nous avons aussi rassemblé les récits de femmes qui se sont retrouvées dans la prostitution. Elles ne savent vers qui se tourner, leur passeport leur a été confisqué. Il s’agit aussi fréquemment de mères célibataires qui doivent absolument envoyer de l’argent à leur famille pour assurer sa subsistance.

Vous parlez d’incompréhension de la part des collègues sud-africains et parfois même de racisme. SADSAWU a-t-elle une stratégie pour inverser cette attitude ?

“Nous réunissons des travailleurs migrants et sud-africains à l’occasion de rencontres et de workshops pour leur expliquer que le syndicat est là pour défendre l’ensemble des travailleurs quelle que soit leur nationalité, couleur, conviction religieuse, avec ou sans papiers. Nous prenons la défense de toutes et tous, ni plus, ni moins.

Nous tenons aussi à leur faire prendre conscience que le travail bon marché est le problème et non la personne. C’est ensemble que nous devons mener le combat afin que chacun bénéficie de meilleures conditions de salaire et de travail. Nous ne pouvons, en aucune façon, nous laisser diviser par les employeurs.

Parfois, nous entendons aussi des histoires émouvantes, mais positives. C’est ainsi que l’une de nos membres actives ainsi qu’une travailleuse migrante venant du Lesotho sont occupées par un même employeur. Ce dernier refusait d’accorder un congé à la travailleuse lesothane le jour de Noël. Notre affiliée lui a fait savoir qu’aussi longtemps qu’elles travaillaient ensemble, sa collègue devait être traitée sur un pied d’égalité. L’employeur a quelque peu pris peur et, finalement, les deux ont eu congé. C’est au travers de tels récits que nous essayons d’inspirer notre arrière-ban car ‘ensemble, on est plus forts’ !

Alice: travailleuse domestique zimbabwéenne en Afrique du Sud

Alice nous accueille avec le sourire. Depuis dix ans, elle travaille en tant qu’aide-ménagère en Afrique du Sud. Son salaire lui permet de soulager quelque peu sa famille au Zimbabwe. Sa bonne humeur cache, toutefois, une réalité moins reluisante.
Elle a quitté son pays le Zimbabwe en 2007 faute de travail tout simplement. “La situation dans mon pays est désolante” déclare-t-elle “Même des personnes hautement qualifiées n’y trouvent pas un emploi.” Elle a dû choisir entre migrer ou souffrir de la faim. Elle a décidé de faire ses bagages et de tenter sa chance en Afrique du Sud parce qu’elle avait déjà de la famille à Johannesburg.

Est-il difficile d’obtenir un visa de travail en Afrique du Sud ?
“Comme pratiquement tous les zimbabwéens, j’ai traversé la frontière sans papiers. De toute façon, il est impossible d’obtenir un visa de sorte que tout le monde passe simplement la frontière. Toutefois, c’est difficile sans emploi et sans papiers. Grâce aux membres de ma famille et au réseau de zimbabwéens en Afrique du Sud, j’ai trouvé des familles où je pouvais aller faire le ménage. A chaque fois, il ne s’agissait que de courtes missions : un jour ici, un jour là-bas. Louer une chambre était difficile en l’absence de papiers et d’un revenu régulier. Au début, cela a été dur.”

Vos employeurs se sont-ils montrés compréhensifs pour votre situation ?
“Non, au contraire. Ils ont souvent profité du fait que je n’avais pas de papiers et ne savais où aller. On me payait moins et les heures supplémentaires n’étaient pas rémunérées, les jours fériés n’étaient pas respectés, etc.
Ce n’est qu’après 2010 que ma situation a commencé à changer à la suite d’une campagne de régularisation des migrants zimbabwéens en Afrique du Sud. J’ai reçu un visa de travail temporaire et j’ai pu travailler en toute légalité. Au cours de cette même période, j’ai trouvé un bon employeur qui m’a proposé une occupation à temps plein et respecte mes droits.”

Que vous réserve l’avenir ?
“J’espère pouvoir retourner un jour au Zimbabwe. C’est mon pays et il me manque chaque jour. Toutefois, vu la conjoncture actuelle, je devrai encore rester tout un temps en Afrique du Sud. En effet, la situation s’est encore aggravée depuis que j’ai quitté le Zimbabwe.
Les visas de travail temporaires pour les zimbabwéens expirent à la fin de l’année. Nous espérons tous qu’ils seront, une nouvelle fois, prolongés. Les autorités sud-africaines doivent également comprendre que personne ne sait retourner au Zimbabwe et ne repartira. Il n’est quand même pas possible qu’elles replongent des milliers de personnes dans l’illégalité?”