Les employeurs de la chimie n’ont jamais payé aussi peu de cotisations sociales qu’aujourd’hui

A l’heure où la collectivité est largement sollicitée pour faire face aux dégâts sanitaires, sociaux et économiques du Covid-19 (dépenses de soins de santé, aides aux entreprises, allocations de chômage temporaire,…), il apparaît utile de se pencher sur l’évolution du financement de cette même collectivité par les entreprises.

Concrètement, à partir du salaire brut des travailleurs, quelle est la hauteur de la contribution des entreprises au financement de l’Etat et de la Sécurité sociale?

Les chiffres publiés en grande pompe par la fédération patronale de la chimie essenscia le 21 avril dernier, nous apprennent que le nombre d’emplois augmente, les investissements progressent et que les indicateurs économiques ne connaissent pas la crise. D’un point de vue social, la FGTB Chimie se réjouit évidemment de la création d’emplois. Il apparaît cependant nécessaire d’approfondir certains paramètres.   

A ce propos, nous lisons que le secteur représente 5% de toutes les cotisations à la sécurité sociale dans l’économie belge, ce qui équivaut à 2,7 milliards €. Outre ce chiffre pharamineux, nous ne lisons aucun commentaire sur les réductions de cotisations patronales à la sécurité sociale. Le tableau ci-dessous comble cette lacune en détaillant la hauteur des cotisations patronales pour différents salaires bruts mensuels et ce, depuis 2015. 

Tableau 1

 

 

 

 

 

 

Salaire brut

Cotisation patronale à la sécurité sociale

 

 

 

 

 

 

 

 

2015

2016

2018

2019

2015-2019

       2.500 €

     656 €

     604 €

     567 €

     553 €

-16%

       3.000 €

     818 €

     754 €

     750 €

     748 €

-8%

       3.500 €

     980 €

     904 €

     875 €

     875 €

-11%

       4.000 €

  1.142 €

  1.054 €

  1.000 €

  1.000 €

-12%

       4.500 €

  1.302 €

  1.202 €

  1.125 €

  1.125 €

-14%

       5.000 €

  1.434 €

  1.322 €

  1.250 €

  1.250 €

-13%

Entre 2015 et 2019, le tax shift revendiqué par le banc patronal et appliqué par le gouvernement MR/N-VA, a eu pour conséquence de réduire entre 8 et 16% les cotisations patronales à la sécurité sociale.

Parallèlement à ces réductions, les subsides salariaux dont bénéficient les entreprises qui recourent au travail en équipes et de nuit, ont régulièrement augmenté. En effet, depuis 2016, lorsqu’une entreprise recourt au travail en équipes, elle perçoit une aide de 22,8% du revenu imposable du travailleur. Ce subside est directement ponctionné sur le précompte professionnel du travailleur. Lorsqu’il s’agit de travail en feu continu, l’aide atteint 25%. Le tableau ci-dessous permet de mesurer l’importance de cette aide à partir de différents salaires bruts.

Tableau 2

Salaire brut

Subside salarial travail en équipes

Subside salarial travail en feu continu

 

2019

2019

         2.500 €

             499 €

             547 €

         3.000 €

             595 €

             652 €

         3.500 €

             694 €

             761 €

         4.000 €

             793 €

             869 €

         4.500 €

             892 €

             978 €

         5.000 €

             991 €

         1.087 €

Nous constatons ainsi que, sur un salaire brut de 3500 € par mois, l’employeur perçoit un subside salarial mensuel de 694 € en cas de travail en équipes et de 761 € en cas de travail en feu continu. 

Lorsque nous juxtaposons ces deux tableaux (cotisations à l’ONSS et subsides sur travail en équipes ou en feu continu). Cela nous permettra d’apprécier la hauteur réelle de la contribution de l’entreprise à la sécurité sociale, déduction faite du subside salarial perçu par ailleurs.

Tableau 3

Salaire brut

Cotisations patronales - Subsides salariaux travail en équipes

Cotisations patronales - Subsides salariaux travail en feu continu

 

% du salaire brut (si travail en feu continu)

 

 

2019

2019

 

2500 €

55 €

6 €

0,26%

3000 €

154 €

96 €

3,21%

3500 €

181 €

114 €

3,27%

4000 €

207 €

131 €

3,27%

4500 €

233 €

147 €

3,27%

5000 €

259 €

163 €

3,27%

À la lumière des chiffres qui précèdent, nous constatons que les cotisations patronales à la sécurité sociale sont très largement compensées par les subsides salariaux perçus par l’entreprise. En d’autres termes, ce que verse l’entreprise à la sécurité sociale lui est très largement reversé via une aide fiscale.

La cotisation patronale effective est insignifiante, ce qui représente une perte énorme pour les rentrées de l’Etat et pour notre sécurité sociale. Aujourd’hui, le secteur de la chimie paie bien moins de cotisations ONSS et d’impôts qu’auparavant alors que notre sécurité sociale et l’Etat démontrent encore une fois à quel point il est important d’avoir un filet de sécurité social solide dans la crise actuelle. Cela semble d’autant plus injuste au vu des résultats positifs enregistrés par le secteur et dont se glorifie la fédération patronale du secteur.

En tant que FGTB Chimie, nous plaidons pour que les cotisations patronales permettent à notre système de protection sociale de fonctionner et d’être pérennisé. De même, les subsides salariaux sur le travail en équipes et de nuit doivent être revus : comment l’Etat peut-il subventionner ce type d’organisation du travail, au détriment de ses finances et de la santé des travailleurs ?