Disponibilité des travailleurs en prépension, une gifle de plus pour les travailleurs

Depuis le 1er janvier, les travailleurs sous le régime chômage avec complément d’entreprise (RCC) doivent désormais être disponibles activement sur le marché du travail. Un changement lourd de conséquences pour de nombreux travailleurs pour qui c’est une gifle de plus.

Nombreux sont les travailleurs prépensionnés qui ont dû croire qu’il s’agissait-là d’une bien mauvaise blague. Malheureusement, c’est loin d’être le cas. En effet, depuis le 1er janvier, les travailleurs sous le régime chômage avec complément d’entreprise (RCC), ce que l’on appelait auparavant la prépension, doivent désormais être disponibles activement sur le marché du travail. Un changement lourd de conséquences pour de nombreux travailleurs pour qui c’est une gifle de plus.

En effet, depuis le 1er janvier, le gouvernement a mis en place de nouvelles règles pour le RCC. Elles concernent les travailleurs qui n’avaient pas 60 ans au 31 décembre 2014 et qui sont en RCC depuis le 1er janvier 2015. Selon les nouvelles règles, on considère que ces travailleurs sont en chômage, ils doivent donc être disponibles activement sur le marché du travail. Même les travailleurs en RCC pour raisons médicales sont concernés par cette mesure totalement aberrante et incompréhensible.

Ce qui change

Auparavant, les travailleurs en prépension étaient en disponibilité passive. Aujourd’hui, ils sont en disponibilité active, ce qui signifie que jusqu’à 65 ans, ils doivent chercher activement un travail et prendre part aux formations et accompagnements mis en place. Ils doivent aussi justifier régulièrement les démarches qu’ils entreprennent pour trouver un travail. Autres conséquences qui découlent de ce changement, ils n’ont plus le droit de séjourner plus de 4 semaines par an à l’étranger ou de débuter une activité complémentaire.

Effet rétroactif

Cette mesure est catastrophique pour bon nombre de prépensionnés puisque celle-ci a un effet rétroactif, ce qui signifie donc que même les travailleurs qui ont pourtant bénéficié de l’ancien système sont visés. En clair, pour être épargné par cette mesure, il fallait être âgé d’au moins 60 ans au 31 décembre 2014 et avoir déjà perçu une indemnité de chômage en tant que prépensionné avant cette date.

Il va de soi que pour la Centrale Générale-FGTB, c’est un revirement de situation inacceptable. Des travailleurs ont fait des choix en fonction de règles qui étaient en vigueur et après coup, le gouvernement décide, une fois de plus seul, de les changer en profondeur. C’est totalement inacceptable. Sur ce dossier aussi, nous nous battons bec et ongles pour faire revenir le gouvernement sur une mesure intolérable. Des travailleurs témoignent.

Image retirée.Si j’avais su, jamais je n’aurais négocié de RCC

Jean-Pierre, ancien travailleur de Saint-Gobain est lui aussi concerné, à deux niveaux. D’abord sur le plan personnel, alors qu’il a 40 ans de carrière et qu’il a travaillé à pauses, ensuite parce qu’en tant que délégué, c’est lui qui a négocié la prépension d’une septantaine de collègues.

"Si j’avais su ça, jamais je n’aurais négocié le RCC. J’aurais négocié un plan social pour ces gens. C’est une véritable injustice. Il faut quand même se rendre compte de ce que nous vivons. Nous avons des textes de lois et du jour au lendemain, un nouveau ministre arrive et décide de tout balayer d’un revers de main. J’ai des collègues qui sont partis en RCC en 2009, lors d’un plan social négocié chez Saint-Gobain. Certains avaient alors 51 ans. Ça veut dire qu’aujourd’hui, après toutes ces années, ils sont eux aussi touchés par cette mesure. Certains ont tout vendu en Belgique pour s’installer en Italie. Aujourd’hui, ils sont vraiment dans la misère. Ces politiques ne se rendent vraiment pas compte des conséquences que leurs mesures impliquent. Ce n’est pas possible autrement."

Image retirée.Je voulais être solidaire envers les jeunes

Le cas d’Eddy est lui aussi très révélateur. Il est en RCC depuis septembre 2013. Au moment où il a pris sa prépension, l’employeur avait fait part de son intention de licencier des travailleurs, soit des jeunes, soit des travailleurs qui pouvaient prétendre au RCC. Vu qu’il remplissait les conditions, il a décidé de laisser sa place aux jeunes et est parti en RCC. Et au final, suite à ce changement de législation, il a le sentiment d’avoir été dupé.

"J’ai pris cette décision parce que je voulais être solidaire envers les jeunes. Mais en fin de compte, c’est moi qui paie l’addition, et elle est salée. Si j’avais su, c’est clair que j’aurais fini ma carrière chez mon ancien employeur chez qui j’étais bien. En plus, j’avais certains avantages liés à mon ancienneté.’ Il est désormais inscrit à l’ONEm comme demandeur d’emploi et a même déjà reçu des offres."

Image retirée.Une formation à 62 ans ? Une aberration totale.

Luciano se retrouve aussi dans une situation sidérante : alors qu’il est âgé de 62 ans, il est concerné par cette mesure parce qu’il est encore en préavis et qu’il n’a donc pas touché d’indemnité de chômage en 2014. Au moment où nous l’avons contacté, il était en train de suivre une formation en informatique.

"Je ne comprends pas la situation dans laquelle nous sommes. On a signé un préavis, il y avait des accords et aujourd’hui, parce qu’un autre gouvernement arrive au pouvoir, les règles changent. Nous sommes aujourd’hui pénalisés par ce gouvernement. Tous ces politiques prennent des décisions générales, sans juger au cas par cas. Ce que moi j’aimerais, c’est que ces gens se mettent une fois dans la peau de ceux qui subissent leurs décisions. Qu’ils se rendent compte de ce que ça implique concrètement. A mon âge, suivre une formation, ce n’est vraiment pas logique. Il faut laisser la place aux jeunes et les laisser construire leur vie."

Image retirée.Ma santé ne me permettait pas de continuer à travailler et là, je risque de devoir recommencer de zéro

La situation d’Éric est elle aussi frappante. Il est en RCC depuis le 30 décembre 2014 – régime 56 ans, pour raison médicale dans le secteur de la construction.

"Je ne suis momentanément pas activé, mais quoi qu’il en soit, avant d’être licencié, je travaillais depuis déjà 25 ans pour le même employeur, avec un bon salaire et des avantages liés à mon ancienneté. Si j’avais su cela, jamais je n’aurais demandé ma prépension. Je risque aujourd’hui de devoir recommencer ailleurs, pour un salaire qui sera probablement moins élevé et où je vais devoir tout recommencer de zéro."

Image retirée.Changer les règles après coup, c’est scandaleux !

Vincenzo est un ancien d’AGC. Lorsque nous l’avons rencontré, il venait se renseigner auprès de l’accompagnateur social d’AGC

"J’entends des informations à gauche et à droite, et là, je suis venu voir ce qu’il en est réellement. Je suis choqué. J’ai 57 ans et si j’avais eu toutes les cartes en mains, jamais je n’aurais demandé à prendre ma prépension. Au moment de la fermeture, j’aurais pu demander ma mutation sur un autre site d’AGC ou au moins bénéficier du plan social. A l’époque, je me suis dit qu’il valait mieux laisser la place aux jeunes, étant moi-même père, je suis sensible à leur situation. Mais aujourd’hui, je trouve ça scandaleux. Changer les règles qui étaient d’application lorsque nous avons signé, c’est totalement inadmissible. En plus, avec cette mesure, on ne pense pas aux jeunes. Ils ont déjà du mal à trouver un emploi, si en plus les vieux reviennent sur le marché du travail, on ne va pas en sortir. C’est honteux et malhonnête."

Image retirée.Je croule sous les offres d’emplois… dans l’intérim

Ronny travaillait dans le secteur de la chimie, une entreprise en restructuration. Il a quitté son entreprise en décembre 2014, à l’âge de 56 ans avec 42 ans de carrière, tout comme 60 autres travailleurs dans le même cas que lui. Vu qu’il était électromécanicien trouver du boulot n’est pas le problème. Au contraire, il croule sous les offres d’emplois du Forem, essentiellement des contrats d’un jour, une semaine dans le meilleur des cas, mais toujours en intérim.