"Malgré la mort de Fidel, notre modèle socio-économique restera socialiste"

Notre centrale a reçu la visite de deux syndicalistes cubains. Durant leur séjour, ils nous ont parlé de la mort de Fidel Castro, de l’évolution du secteur de la construction et du syndicat.

A l’invitation de la Centrale Générale - FGTB, Ramón Morales Fuentes et Mercedes Fernández Gómez ont séjourné en Belgique pendant une dizaine de jours. Ces deux syndicalistes cubains sont des secrétaires provinciaux du syndicat de la construction SNTC, respectivement à Santiago de Cuba et à La Havane. Ils ont rendu visite à nos régionales de Liège, Limburg et WAPI et ont également participé au congrès de la construction.

Durant cette rencontre, nous avons eu l’occasion de discuter de la mort de Fidel Castro, l’évolution du secteur de la construction et du syndicat.

"Fidel est vivant dans nos mémoires"

« Lorsque le soir du vendredi 25 novembre, Raúl a annoncé la mort de Fidel Castro, nous étions tous surpris et frappés d’une grande tristesse », nous raconte Mercedes. Le lundi et mardi suivant, les habitants de La Havane ont pu saluer Fidel une dernière fois à la ‘Place de la Révolution’, où avait été placée son urne.

Les jours suivants, l’urne a suivi la même route qu’avait emprunté Fidel pour conquérir le pays entre Santiago de Cuba et La Havane en janvier 1959. Le 3 décembre, les cendres de Fidel sont arrivées à Santiago de Cuba.

« Je faisais partie de l’équipe chargée de garantir le bon déroulement des opérations à la Place de la Révolution, où les délégations des provinces avoisinantes sont venues rendre un dernier hommage à Fidel. J’ai été touché par le profond respect et la loyauté des jeunes et des étudiants envers la révolution », nous explique Ramón. « Pour nous, Fidel n’est pas mort; il reste vivant dans la mémoire de tous les cubains; nous portons son héritage en nous ».

Un nouvel élan économique

« Celui qui pense que Cuba va changer après la mort de Fidel, se trompe. Nous poursuivons maintenant le travail d’optimisation de notre modèle socio-économique, mais ce modèle restera toujours socialiste », nous disent à l’unisson Mercedes et Ramón.

Attirer des investissements étrangers et instaurer une nouvelle forme de gestion des entreprises non étatiques cadre dans ce processus. Les entrepreneurs indépendants et coopératives bénéficient maintenant d’un statut légal qui leur est propre, avec maintien de l’accès aux soins de santé et à la sécurité sociale pour leurs travailleurs.

En ce qui concerne le secteur de la construction en tant que tel, la délégation cubaine distingue une répartition des rôles très claire. Les entreprises du bâtiment indépendantes peuvent plus facilement répondre aux besoins sociaux de la population lors de la construction de logements, l’aménagement de parcs et d’équipements publics dans leur commune. Les entreprises de l’Etat se chargent plutôt des projets de construction d’intérêt macro-économique tels que les hôpitaux, les travaux d’infrastructure industriels et touristiques.

Les entreprises d’Etat sous pression

« Nous voyons vraiment que ces mesures ont donné un nouvel élan à l’économie. De nouvelles initiatives voient le jour ». Ramón explique comment les entreprises étatiques font aujourd’hui également de grands efforts pour augmenter la production. Actuellement, les entreprises sont pleinement responsables de leur propre rentabilité. Le gouvernement n’intervient donc plus pour combler les pertes, comme c’était le cas par le passé. Tout ce que les entreprises produisent en plus de ce qu’elles fournissent contractuellement au gouvernement, peut être vendu librement. Cela leur permet de faire quelques bénéfices qui peuvent être partagés entre les travailleurs.

Avec ces nouvelles directives, les entreprises de l’Etat disposent maintenant elles-mêmes de 50% du bénéfice, alors qu’auparavant, ce n’était que 20%. Cela donne plus de marge à l’entreprise pour investir dans un nouveau parc de machines ou augmenter les salaires. Dans le secteur de de la construction, un ouvrier occupé dans une entreprise étatique gagne en moyenne 2.000 pesos (83 dollars), nettement plus que la moyenne nationale de 650 pesos.

Ces salaires dans les entreprises d’Etat ne changent cependant rien au fait qu’elle subissent une pression importante. Un ouvrier de la construction occupé dans une entreprise privée gagne jusqu’à 7.000 pesos, donc facilement trois fois plus. Il n’est par conséquent pas surprenant qu’il s’opère un glissement important des travailleurs vers les entreprises privées. « C’est un défi de taille pour notre secteur », nous expliquent Mercedes et Ramón. « Chaque entreprise de construction a son propre programme de formation pour les nouveaux travailleurs ou pour le perfectionnement des travailleurs en service depuis plus longtemps. Mais aussi longtemps que rien n’est fait aux différences salariales, le problème subsiste. Voilà pourquoi la solution est de rendre les entreprises de l’Etat encore plus productives et compétitives ».

Coopérative Veranes

Une solution intermédiaire pourrait être trouvée dans les coopératives, une forme de coopération que le gouvernement stimule beaucoup. Ramón explique avec enthousiasme quel est le fonctionnement de la coopérative du bâtiment Veranes. « Lorsque le gouvernement a approuvé, il y a 3 ans, le cadre juridique pour les coopératives non agricoles, Veranes, un ancien menuisier devenu contremaître a créé une coopérative portant son nom. Créée avec 34 camarades, cette coopérative compte 123 membres/ouvriers. A Santiago de Cuba, elle s’est forgée une réputation grâce à la qualité du travail fourni ».

La coopérative se porte bien, tant financièrement que du point de vue organisationnel. Les membres se réunissent tous les mois pour discuter ensemble des plans des travaux, de la situation financière et de l’organisation interne. En outre, tous les membres sont affiliés au syndicat de la construction SNTC, et peuvent compter sur deux délégations syndicales. Une cellule du parti unitaire PCC et de son organisation de jeunes Unión Jóvenes Comunistas sont également actives dans l’entreprise. Du point de vue économique, la coopérative se porte très bien. Pour preuve, non seulement les salaires, qui oscillent entre les 3.000 et 5.000 pesos, mais la coopérative a également organisé une grande fête à l’occasion de son troisième anniversaire avec show, boissons et repas fraternel au Cabaret de Santiago pour tous ses membres et leur famille.