Travail de nuit et en équipes: 'L'impact sur la santé est énorme'

Claus Kaspersen travaille depuis 33 ans en équipes chez BP Chembel Geel. Après toutes ces années, sa santé est fortement impactée : lourde fatigue, difficultés à récupérer, problèmes gastro-intestinaux, …

La FGTB Chimie a préparé une nouvelle brochure sur le travail de nuit et en équipes que vous pouvez télécharger ici.  La brochure explique l’évolution du travail de nuit et en équipes en Belgique et en Europe, les conséquences sur la santé parmi d’autres, les cadeaux fiscaux octroyés aux entreprises ainsi que les outils syndicaux pour poursuivre l’humanisation du travail de nuit et en équipes. En vue de mettre la brochure en exergue, nous avons invité quelques délégués à s’exprimer sur l’impact du travail de nuit et en équipes sur leurs vies.

Claus Kaspersen - Chembel Geel

BP Chembel fabrique des produits semi-finis pour des bouteilles PET, des matières synthétiques et en polyester…  Claus y travaille en équipes comme opérateur de production depuis 33 ans. « Il s’agit d’un secteur où les dangers sont omniprésents, nous manipulons des substances inflammables qui sont potentiellement cancérigènes en cas d’inhalation. »

33 ans en équipes

« Nous travaillons selon un régime de 12 heures : 3 nuits (au maximum) de 12 heures consécutives, ensuite 2 jours libres et puis 2 équipes du matin de 12 heures. Nous avons à chaque fois 2 jours libres, mais ce ne sont pas des jours de vacances. On en a besoin pour récupérer et s’adapter. Si, en raison de congé ou de maladie d’un travailleur, l’effectif minimum n’est pas garanti, un collègue d’une autre équipe doit venir le remplacer. Parfois, de cette façon, on arrive à 4 nuits de 12 heures, soit 48 heures en très peu de temps, ce qui est vraiment lourd. »

Santé

Claus a 54 ans aujourd’hui et ressent fortement l’impact de ce régime de travail sur sa santé. « On peut le comparer au sport : quand il est jeune, un sportif récupère vite, mais cela devient moins évident quand il est plus âgé.

Il me faut plus de temps pour récupérer des prestations de nuit, ce qui fait qu’il me reste moins de temps pour profiter des ‘jours libres’. A cet âge-là, beaucoup de gens commencent également à connaître d’autres problèmes physiques.  Je souffre personnellement d’arthrose. En 2017, je me suis retrouvé à la maison pendant plusieurs mois avec un burn-out, ce qui fait également que je suis plus rapidement fatigué, ce n’est plus comme avant. Même quand je suis libre, je n’arrive plus bien à faire les choses que j’aime. »

Il fait la même constatation chez ses collègues : « A partir de 50 ans, les choses commencent à aller de mal en pis. Les troubles gastro-intestinaux sont, par exemple, très fréquents. Le fait de devoir manger à d’autres moments cause des problèmes, qui s’aggravent également en vieillissant. Il est vrai que le travail est bien rémunéré, je ne m’en plains absolument pas, mais malgré le bon salaire, il est quand même difficile de trouver des opérateurs. Beaucoup de jeunes rechignent à travailler dans un tel régime, ils préfèrent pouvoir sortir le week-end… »

Travail faisable

“Dans l’état des choses actuel, je pourrais prendre ma pension à 63 ans, mais je ne suis vraiment pas sûr de tenir le coup jusque-là. Travailler moins serait la solution idéale. Les employés peuvent souvent s’engager dans un régime de 4/5e, mais cela n’est légalement pas possible pour nous qui travaillons dans ce système de 12 heures. Jusqu’à il y a quelques années, il était possible de bénéficier d’un RCC à partir de 56 ans à condition d’avoir travaillé 33 ans dont 20 ans en équipes, mais les conditions sont devenues beaucoup plus strictes. Je pourrais éventuellement prester un 4/5e, mais cela nuirait à mes droits de pension. Je devrais alors travailler plus longtemps encore pour percevoir une pension plus basse. Personne ne veut ça ! »

« Se voir octroyer des jours de récupération après avoir presté des heures supplémentaires, rien de plus logique, mais cela ne suffit pas. Nous devons faire plus et raccourcir notre temps de travail. Malheureusement, notre employeur ne semble pas encore avoir compris ce message. La réaction de l’employeur au Fonds démographie n’était pas enthousiaste non plus. Je suis réellement déçu, nous avons beaucoup travaillé, mais je ne vois aucun effort de la part de l’employeur ou du gouvernement en contrepartie. »