Qui recevra l’award de la traite des êtres humains ?

La fédération patronale de la chimie essenscia organise l’Innovation Award ceremony ce 18 octobre 2022. En présence de Son Altesse Royale la Princesse Astrid, des employeurs seront mis à l’honneur pour leurs capacités innovatives et pour leur rôle de pionniers en matière de transition énergétique ou de recherches médicales. Qu’en est-il en matière d’innovations sociales ? Un prix spécial est-il prévu pour la traite des êtres humains ?

La réponse est non, naturellement. Toutefois, la traite des êtres humains fait partie des « innovations » décelées récemment dans le secteur de la chimie. En effet, les conditions de vie et de travail de 174 travailleurs illégaux ont fait la une des journaux. Leur quotidien et les exploitations sociales découvertes sur les sites de Borealis et de BASF font froid dans le dos : 3,50 € par heure, faux-papiers, logements insalubres, intimidations,… Dans une récente interview au magazine Knack, des victimes affirmaient que leurs conditions de vie étaient meilleures au Qatar.

Ces cas révèlent aussi l’existence de systèmes organisés qui laissent peu de place à l’imagination : d’autres exemples de traites des êtres humains existent en Belgique. Et les secteurs industriels en développement constant représentent un terrain propice à ce genre de pratiques.

Failles sociales du système européen et du cadre légal belge

Pour les syndicats, ces agissements frauduleux trouvent leur origine dans les failles sociales du système européen de mise en concurrence entre pays, entre entreprises et, in fine, entre travailleurs. « Nous avions raison de nous opposer aux différentes directives européennes favorisant la mise en concurrence », calme Jean-Marc Lepied de la CNE. De même, ils révèlent les limites de notre cadre légal fédéral : le donneur d’ordre et l’entrepreneur principal ne sont nullement tenus responsables alors que les abus se passent chez eux et pour eux.

Indignation et actions

Du côté syndical, impossible de se limiter à l’indignation causée par ces réalités d’un autre temps. « Il faut agir et ce, sans attendre que les autorités légifèrent », déclare Koen De Kinder de la CSCBIE. Or, la fédération patronale de la chimie, suivie peu de temps après par energia, la fédération patronale du pétrole, se limite à des griefs envers les autorités tels que le renforcement des services d’inspection. « Bien-sûr, l’arrivée de nouveaux inspecteurs est bienvenue. Evidemment, un échange modernisé d’informations entre les services d’inspection apportera un plus. Mais n’attendons pas : agissons à partir du secteur, main dans la main patron-syndicat pour bloquer toute exploitation sociale », poursuit le syndicaliste. Concrètement ? « Reconnaissons aux représentants des travailleurs le droit d’être informés et consultés sur la sous-traitance. Donnons-leur la possibilité de contrôler les réalités encourues dans leur entreprise par les travailleurs de la sous-traitance. Nos délégués sont quotidiennement dans les entreprises. Pas les inspecteurs », pointe Andrea Della Vecchia de la FGTB Chimie-Pétrole.

Syndicats recherchent patrons éthiques

Pour l’heure, cette piste n’est pas accueillie positivement par les représentants patronaux sectoriels. « Or, elle serait complémentaire et concrète. Elle permettrait aux directions locales et à leur délégation du personnel d’agir de concert », affirme Koen De Kinder.

Les syndicats n’en démordent pas pour autant : « Notre porte est ouverte pour aboutir à des solutions concrètes. Il s’agit d’un devoir éthique qui dépasse toute considération politique ou économique. N’attendons pas qu’un nouveau scandale fasse la une de l’actualité pour s’indigner. Agissons ».

Dans le même état d’esprit, les syndicats continueront à sensibiliser et à outiller leurs délégués d’entreprises. L’objectif est de soutenir, malgré les limites du cadre actuel, toute action de défense des travailleurs en sous-traitance, indépendamment de leurs origines et de leur type de contrat.