Les travailleurs, acteurs de la transition
Les entreprises de la chimie et du pétrole sont parmi les plus polluantes. Elles n’ont pas d’autre choix que de réduire leurs émissions dans le futur et d’opter pour la transition juste. Les employeurs disent en avoir conscience et nous invitent à leur faire confiance. Pour nous, syndicat, il est pourtant essentiel d’impliquer les travailleurs dans ce défi. « Pas sans nous ! » rappellent Nicolas Van Nuffel, porte-parole de la Coalition Climat et Andrea Della Vecchia, Secrétaire FGTB Chimie – Pétrole. Interview.
Pourquoi la FGTB Chimie - Pétrole, décide-t-elle de s’impliquer dans les questions climatiques ?
Andrea : La transition a un impact sur l’organisation du travail et donc sur les conditions de travail. Il est donc primordial que les représentants syndicaux soient informés, consultés et impliqués préalablement à des décisions qui portent sur la transition. La chimie et le pétrole sont certainement des secteurs dans lesquels des avancées majeures sont nécessaires. A ce propos, nous disposons d’une CCT qui met le pied à l’étrier pour développer une concertation sociale sur la transition juste. En tant que syndicat, nous sommes prêts à avancer. J’appelle les employeurs à transformer cet essai.
Nicolas : Les travailleurs doivent s’approprier la question climatique car ils sont pleinement concernés. Pour l’heure, vous recevez une écoute polie de la part des employeurs. En d’autres termes : soyez tranquilles, pas d’inquiétude, on s’en occupe. Ça ne doit pas se passer comme ça. Vous devez trouver ensemble des solutions pour que l’industrie entre pleinement en transition.
Comment avancer vers une transition juste tout en garantissant le maintien de l’emploi et le niveau de vie des travailleurs ?
Andrea : La transition est porteuse de création d’emplois nouveaux. Dans la chimie et le pétrole, nous sommes concernés par la disparition progressive de fonctions mais aussi par l’apparition de nouveaux postes. Nous devons être impliqués dans ce processus pour déterminer les conditions de travail car les travailleurs ne doivent pas être perdants. Nous devons aussi être impliqués dans les formations pour faciliter les reconversions professionnelles.
Nicolas : La transition climatique est créatrice d’emplois nets. Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de suppressions d’emplois. Ce n’est pas la fin du pétrole mais ça doit être la fin du pétrole comme source énergétique. D’où l’importance de formations de qualité mais aussi d’un système de protection sociale qui permette d’accompagner les travailleurs qui perdent leur travail. Il faut donc planifier la transition : déterminer où l’on va et de quelle manière.
Le pétrole et la chimie peuvent-ils jouer un rôle de pionnier ?
Andrea : L’histoire des avancées sociales l’a démontré. Les congés payés existaient dans des entreprises avant de devenir loi. Elles ont vu le jour grâce à des accords locaux et sectoriels. Les secteurs du pétrole et de la chimie doivent donc donner l’impulsion concernant la question climatique. Ne soyons pas passifs mais acteurs du changement.
Nicolas : Et c’est la seule solution pour créer la prospérité de demain. Si on n’agit pas, on va se faire dépasser par des pays tels que la Chine ou les Etats-Unis comme c’est le cas avec le passage aux voitures électriques. L’Europe a reporté au maximum cette transition alors que la Chine et les Etats-Unis ont investi dans l’électrique. L’Europe n’a pas planifié l’électrification du secteur automobile et elle est aujourd’hui complètement dépassée. Il ne faut pas reproduire les erreurs du passé.
Qui doit payer pour la transition ?
Andrea : Les solutions ne viendront pas uniquement des pouvoirs publics. Nous appelons à ce que les subsides soient conditionnés à des conditions de travail de qualité. Il faut cesser les chèques en blanc envers les entreprises.
Nicolas : Pour la coalition Climat, c’est clair qu’il n’y aura pas de transition climatique sans justice fiscale. L’Etat a besoin de l’impôt pour collectivement impulser le changement. Ça nécessite donc de rediscuter de qui paye quoi. Pour nous, un impôt sur le patrimoine et sur les transactions financières fait partie des solutions à la crise climatique.
Depuis la rédaction de l’interview, des lignes ont bougé dans le secteur de la chimie : la fédération patronale a marqué son accord pour développer la concertation sociale sur les questions climatiques. Des réunions spécifiques réunissant les interlocuteurs sociaux seront organisées à la rentrée et porteront sur les thématiques de l’emploi, de la formation et de la santé. Affaire à suivre.