Le congé 24/7 déjà une réalité chez Prayon à Liège

Depuis le 24 juillet 2021, la FGTB met à l’honneur toutes les travailleuses et tous les travailleurs en équipes pour leur engagement, jour après jour, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.  Par cette initiative, la FGTB remercie non seulement le personnel qui travaille de jour comme de nuit, mais elle souhaite aussi servir de levier afin de leur permettre d’améliorer leurs conditions de travail qui sont souvent difficiles. C’est le challenge qu’a relevé Ali Jaajoui avec succès.

Aujourd’hui, Ali est permanent pour la Centrale Générale - FGTB, mais il y a quelques mois de cela, il était encore délégué pour les employés chez Prayon à Liège. Lorsqu’Andrea Della Vecchia, secrétaire fédéral en charge du secteur de la chimie lui a parlé de son souhait de faire du 24/7 une journée symbolique pour les travailleuses et les travailleurs à pauses et en système de rotation de nuit, Ali s’est immédiatement senti concerné. Et pour cause : pendant plus de 20 ans, il a travaillé pour l’entreprise Prayon en pauses. A la question « Ce type de travail a-t-il des répercussions sur la vie privée ? », Ali répond sans aucune hésitation : « Moi, ça m’a causé des problèmes familiaux. Et c’est clairement lié à ce type d’organisation. Toutes les activités récréatives sont systématiquement reportées aux jours de congé et dès qu’on a ces fameux jours, on est tellement crevé qu’on n’a plus la force de passer du temps avec sa famille. Le pire, c’est que 3 jours avant de reprendre le travail, on est déjà en train de se préparer psychologiquement.»

Une souffrance invisible

Il a donc commencé par convoquer une assemblée du personnel : « Ce que nous voulions ici, c’est marquer le coup. Pas en obtenant une nouvelle prime ou plus de salaires. Non, l’enjeu ici était d’obtenir de la reconnaissance via un jour de congé à l’occasion du 24 /7. Nous voulions sensibiliser les employeurs sur ce qu’endurent les travailleurs. La pénibilité liée au travail à pauses et en équipes de nuit est là, sous nos yeux, mais on ne la voit pas. Il s’agit d’une  véritable souffrance, mais ça reste un sujet tabou et les patrons essaient de monnayer ce sacrifice. »

Les travailleurs ont tout de suite adhéré au projet et ont suivi Ali. Ali négociait pour les 30 employés concernés sur les 260 que compte l’entreprise : « Quand on a commencé les négociations, je me suis dit que si on y arrivait, ce serait une belle entrée en matière, un premier pas. On montrera aux autres entreprises que c’est possible. » Et ils y sont arrivés. Sans conflit, mais juste en faisant comprendre à la direction les conséquences que ce type de travail a sur la vie privée, les sacrifices que cela représente. 

Ali
Ali Jaajoui

« La souffrance des travailleurs ne peut pas être monnayée »

 

Rendre le travail de nuit plus supportable

D’ailleurs, les négociations avec la direction ont été relativement faciles. Elle a rapidement accepté l’idée d’une journée de congé. La principale pierre d’achoppement était liée à la dénomination de ce nouveau jour de congé. La direction ne voulait pas entendre parler du Congé 24/7. Elle voulait éviter d’en faire un symbole et c’est là qu’Ali a su se montrer persuasif : « Ce que j’ai essayé de faire comprendre à la direction, c’est que plus les travailleurs vieillissent, plus ils expriment la volonté de sortir du système de nuit. Les gens sont souvent coincés par les besoins financiers, mais dès qu’ils sont plus à l’aise, ils ne veulent plus de cette vie. Donc, la direction doit comprendre que c’est son intérêt de rendre ce type de travail plus supportable, et pas uniquement avec de l’argent. A terme, il faudra arriver à donner envie aux jeunes d’entrer dans ce système. Déjà aujourd’hui, on a beaucoup de mal à trouver de la main-d’œuvre qualifiée qui accepte de travailler de nuit. J’ai aussi proposé à l’employeur de faire une évaluation du système dans 3 ans, je suis sûr qu’il y aura moins d’absentéisme. »

Une question d’équité

L’objectif d’Ali était de marquer le coup grâce à une journée d’arrêt et il y est parvenu. Comme son collègue Sébastien Jouan qui a négocié et obtenu en parallèle un autre système pour les ouvriers. Pour Ali, cette conquête est avant tout un premier pas vers la reconnaissance de la souffrance et du sacrifice que subissent les travailleurs à pauses : « Ici, il est question d’équité. Notre revendication était légitime, on ne demandait pas l’aumône, juste une journée symbolique et nous l’avons obtenue. »