Se battre pour les toilettes, un combat digne de la préhistoire
C’est dans la botte du Hainaut, dans le cadre verdoyant de Chimay, à deux pas du circuit automobile, que se trouve une entreprise de la chimie spécialisée dans la confection de tubes et de bouchons pour l’hygiène, l’alimentaire et l’industrie. Cette entreprise familiale où travaillent de nombreux locaux a traversé deux faillites, mais est à chaque fois parvenue à se relever après la tempête. Le rachat de l’entreprise par Multitubes en 2015 avec seulement 39 travailleurs a mis à mal la concertation sociale. Mais aujourd’hui, elle reprend ses droits grâce à Miguel et Romuald, délégués FGTB.
L’entreprise Multitubes de Chimay ayant dépassé le seuil de 50 travailleurs, des élections sociales ont pu avoir lieu dans l’entreprise en cette année 2024 afin d’élire les représentants des travailleurs au CPPT. Et les résultats à la sortie des urnes ont récompensé la FGTB qui a décroché les deux mandats qui étaient à pourvoir. Ces quatre prochaines années, Miguel et Romuald vont devoir relever un défi de taille, car tout est à construire en matière de concertation sociale au sein de l’entreprise.
Miguel habite à deux pas de l’entreprise. Il a connu la faillite de 2015, un véritable drame pour les travailleurs de la région. « C’était vraiment difficile. L’entreprise aurait pu tout bonnement disparaître, mais grâce à notre mobilisation nous avons pu sauver une partie des emplois. Le tribunal a entendu raison et a autorisé la vente à Multitubes, un groupe hollandais. Cette reprise avait un intérêt stratégique pour eux leur permettant d’accroître leur production, mais aussi de se positionner idéalement sur la carte pour ses exportations en Europe. Le bémol, c’est que seuls 39 travailleurs ont été conservés. Tout était à reconstruire d’un point de vue syndical. »
Une étape importante a été franchie en mai 2024 dans cette reconstruction : « Ces deux mandats au CPPT sont une récompense pour le travail accompli ces dernières années », explique Miguel. « Ces dernières années, étant délégué syndical, j’ai défendu sans relâche les intérêts de mes collègues face à une direction qui n’est pas friande de concertation sociale. Le bien-être est insuffisant dans l’entreprise et les travailleurs veulent que ça change. Ils l’ont bien compris. C’est pourquoi la majorité d’entre eux sont venus voter. C’est une belle reconnaissance et ça nous renforce pour mener les discussions avec la direction. »
Faire respecter la concertation sociale
Et ils auront bien besoin de faire bloc face à une direction peu ouverte au dialogue et qui souhaite imposer ses idées. Pour Miguel, un des premiers enjeux sera d’établir une réelle concertation sociale dans l’entreprise : « Notre direction est hollandaise. Dans ce pays pourtant très proche de la Belgique, la culture syndicale est pour ainsi inexistante. En tant que délégués, nous sommes peu considérés. Le fait qu’un CPPT soit désormais présent dans l’entreprise va obliger la direction à organiser des rencontres ponctuelles et permettre d’avancer sur des dossiers importants pour les travailleurs. »
Se battre pour des toilettes
Parmi les combats à mener, certains sont révoltants : « Depuis des années, nous demandons à la direction de disposer de toilettes dignes de ce nom dans l’usine. Elles sont insalubres et dégagent une odeur infecte. C’est un combat de la préhistoire non ? Par contre, du côté des bureaux de la direction, elles sont comme neuves. Autre exemple craint : alors que les températures peuvent atteindre 35° dans l’entreprise, nous ne disposons pas d’une fontaine à eau. C’est à nous de prévoir de quoi faire face. Le bien-être des travailleurs n’est pas une priorité pour la direction. Ça doit changer ! » annonce Romuald.