Rendez la dimension humaine aux ETA !
Initialement créées pour permettre aux personnes porteuses d’un handicap de trouver un emploi soutenable et adapté, il ressort pourtant que seule la rentabilité dicte toujours plus la stratégie des ETA. Elles n’ont pour ainsi dire d’adapté que le nom. Les délégués des ETA ont lancé un cri d’alarme lors de leur congrès ces 21 et 22 novembre.
Le congrès professionnel des ETA n’est pas un congrès comme les autres. Plus de 200 délégués actifs dans les entreprises de travail adapté et dont la plupart sont porteurs d’un handicap, étaient rassemblés pour ce grand rendez-vous. Car oui, malgré les difficultés du quotidien, ils souhaitent travailler et se construire une vie sociale et digne, mais pas à n’importe quel prix ! Mais la pression des clients et la recherche de rentabilité gangrènent leur secteur où l’humanité devrait être le maître mot. Pourtant, celle-ci s’étiole. Au point de profondément obscurcir l’horizon des travailleurs.
« Nous travaillons dans des entreprises comme les autres, voire pire » regrette Sandrine « On nous fait travailler à la même cadence que les travailleurs valides, mais à moindres coûts. On nous exploite. »
Sophie, déléguée dans une ETA de Bruxelles renchérit dans ce sens : « J’ai un handicap lié à ma petite taille et la hauteur de ma table sur mon lieu de travail n’est pourtant pas adaptée. On nie complètement notre handicap. Et le syndicat, qui a pourtant un rôle essentiel à jouer pour améliorer la situation, est constamment sali par le patron. Le contexte est vraiment difficile »
Certaines situations s’aggravent d’année en année. Songeons, entre autres, aux nombreux travailleurs des ETA mis à la disposition d’entreprises ordinaires où les conditions de travail ne sont clairement pas adaptées à leur situation.
Benjamin Wery, secrétaire fédéral en charge des ETA Wallonnes, en a pleinement conscience et se bat pour changer les choses : « Les ETA ne doivent pas devenir des entreprises d’intérim. Il ne faut pas oublier que ce sont des entreprises subsidiées par les gouvernements. Ces subsides doivent être conditionnés à une réelle adaptation des postes de travail. La pression économique exercée par les clients des ETA et la stratégie de certaines directions mettent l’adaptation des postes sur le côté. »
Un secteur essentiel
Les enjeux syndicaux n’ont pas manqué ces dernières années dans le secteur. Nous pouvons épingler le combat mené durant la période du covid, lorsqu’il a fallu réagir suite à la publication de la liste des secteurs essentiels où l’on retrouvait les ETA. Aux yeux du gouvernement, ces travailleurs fragilisés devaient tous se rendre au travail alors que la plupart des entreprises du pays étaient à l’arrêt. Le préavis de grève déposé et le tapage médiatique ont heureusement poussé le gouvernement à revoir sa copie pour ne garder que les biens et services réellement essentiels.
La CG mène également le combat pour des formations dignes de ce nom pour les travailleurs explique Benjamin : « Au niveau wallon, nous pourrons bientôt compter sur un fonds de formation qui sera géré de manière paritaire. Ce qui nous permet d’avoir un droit de regard sur les types de formation éligibles. Pour nous, ce fonds doit avant tout bénéficier au développement personnel des travailleurs tels que, par exemple, l’alphabétisation, le permis de conduire ou encore l’informatique.»
La réintégration des malades négligée
« Une travailleuse a voulu revenir mais le plan de réintégration mi-temps qui était proposé par le médecin a été refusé par l’employeur. Il faudrait que l’employeur ne puisse plus refuser une réintégration. » L’appel lancé par Nolann n’est pas un fait isolé. Nombreux sont les travailleurs qui ont mis le doigt sur ce paradoxe dans un secteur dont la réintégration devrait être la mission première.
« Nous sommes des ETA, des entreprises pour personnes porteuses d’un handicap, et on nous met des bâtons dans les roues pour bénéficier d’un mi-temps médical. Une collègue en a fait les frais dans notre entreprise mais grâce à la pression que nous avons exercée, elle a pu revenir au travail. Mais elle ne dispose pas pour autant d’un poste de travail adapté » s’insurge Denis.
De nombreux délégués ont également pointé des lacunes en matière de surveillance de la santé des travailleurs, un comble dans ce secteur.
Des travailleurs au grand cœur
La solidarité dans le secteur est frappante. Les applaudissements chaleureux qui accompagnaient chaque intervention à la tribune pouvaient en témoigner. Abdel, permanent pour les ETA Bruxelles, a tenu à saluer le courage incroyable des travailleurs du secteur : « Vous êtes des travailleuses et des travailleurs fragilisés mais face aux difficultés, vous trouvez toujours le courage de vous battre. »
Replacer l’humain au centre des préoccupations. C’est l’appel lancé à l’unisson par les délégués. Malgré leurs différences, ils sont unis autour d’un même objectif pour les travailleurs : celui de vivre une vie décente, d’être épanouis malgré le handicap. Ce qui passe inévitablement par un travail digne et adapté.