Enquête sur la santé des travailleurs dans le nettoyage : le prix de la rentabilité

Nous vous en parlons régulièrement, les travailleurs du nettoyage sont particulièrement mis sous pression suite à la guerre de prix acharnée que se livrent les entreprises du secteur. Pour les travailleurs, cela se traduit par toujours plus de surfaces à nettoyer en toujours moins de temps et la santé qui en prend un coup. Une situation inacceptable pour la Centrale Générale de la FGTB. Le travail ne peut pas rendre malade, or, force est de constater que c'est de plus en plus souvent le cas dans le secteur du nettoyage. Pour mesurer l'ampleur du problème et dégager des pistes d'action qui permettront d'améliorer les conditions de travail., la Centrale Générale de la FGTB a réalisé une enquête avec le C-Dast, le Centre de Défense et d'Action pour la Santé des Travailleurs. Voyons ensemble les principaux constats.

Nous vous en parlons régulièrement, les travailleurs du nettoyage sont particulièrement mis sous pression suite à la guerre de prix acharnée que se livrent les entreprises du secteur. Pour les travailleurs, cela se traduit par toujours plus de surfaces à nettoyer en toujours moins de temps et la santé qui en prend un coup. Une situation inacceptable pour la Centrale Générale de la FGTB. Le travail ne peut pas rendre malade, or, force est de constater que c'est de plus en plus souvent le cas dans le secteur du nettoyage. Pour mesurer l'ampleur du problème et dégager des pistes d'action qui permettront d'améliorer les conditions de travail., la Centrale Générale de la FGTB a réalisé une enquête avec le C-Dast, le Centre de Défense et d'Action pour la Santé des Travailleurs. Voyons ensemble les principaux constats.

C'est un fait avéré, le secteur du nettoyage est l'un des secteurs les plus touchés par les tendinites, les problèmes de dos, du canal carpien et autres. Toutes ces maladies sont regroupées sous l'appellation de troubles musculo-squelettiques, aussi appelées les TMS. Ce constat est confirmé par le Fonds des Maladies Professionnelles lui-même.

Pourquoi une enquête ?

A la base de cette grande enquête, le constat selon lequel au fil des années, il est devenu de plus en plus difficile pour les travailleuses et les travailleurs du secteur du nettoyage d'exercer ce métier sans avoir de problèmes de santé. Abimer sa santé au travail est devenu monnaie courante, presque normal. Mais alors une question s'impose : les travailleurs d'aujourd'hui seraient-ils donc plus fragiles que ceux d'il y a 20 ans ? Evidemment non, par contre, le travail a changé et la pression n'a pas cessé d'augmenter. Le fameux 'toujours plus en moins de temps' a un coût, la santé des travailleurs. Il restait dès lors à pouvoir quantifier ces douleurs et pouvoir dresser une sorte de cartographie des douleurs. Nous y sommes parvenus grâce à cette enquête et à la participation volontaire de nombreux travailleurs et travailleuses du secteur.

Des chiffres révélateurs

Près de 1000 travailleurs ont ainsi répondu à des questions très concrètes qui permettent de tirer de nombreux enseignements. Nous apprenons par exemple qu'au cours des douze derniers mois, 94 % des travailleurs rapportent avoir souffert. La localisation des douleurs n'est pas toujours la même en fonction du type de nettoyage. Mais de manière générale, nous constatons que le bas du dos est la partie du corps dont les travailleurs se plaignent le plus, à 73%. Viennent ensuite les épaules pour 57 % des personnes interrogées et les poignets pour 51%.
Ce qui ressort aussi clairement de notre enquête, c'est que les douleurs sont différentes en fonction du type de nettoyage. Ainsi, celui qui s'occupe du nettoyage classique des bureaux n'aura pas les mêmes douleurs que celui qui effectue le lavage des vitres ou du nettoyage industriel. Ce qui tend donc à prouver que ces douleurs sont bel et bien liées au type de fonction.

L'autre révélation de cette enquête est que non seulement les douleurs sont liées au type de travail, mais aussi aux mauvaises conditions de travail dans le secteur du nettoyage. Ainsi par exemple, plus un travailleur doit adopter des positions inconfortables, plus il souffre de douleurs. La limitation de la durée pour effectuer le travail et la manipulation de charges lourdes exercent aussi une influence sur les douleurs.

Enfin, l'enquête nous apprend aussi que plus on a un horaire chargé, plus on souffre et plus on travaille depuis longtemps dans le secteur, plus on souffre.

Et la suite ?

Pour Eric Neuprez, secrétaire fédéral en charge du secteur du nettoyage, cette enquête ne fait que confirmer ce que nous constations déjà dans les faits. Le secteur du nettoyage est un secteur à risques pour les TMS. Il doit donc être reconnu en tant que tel. En effet, par le simple fait de travailler dans le secteur du nettoyage, les travailleurs s'exposent à un risque élevé de souffrir un jour de TMS. Dès lors, il est évident pour nous que le FMP doit reconnaitre comme maladie professionnelle ou incapacité de travail tout TMS qu'un travailleur du nettoyage aurait. Mais à côté de cela, il ne faut certainement pas oublier la prévention. Pour la Centrale générale de la FGTB, c'est là la véritable priorité. Etre indemnisé pour une tendinite, c'est bien, mais travailler en restant en bonne santé, c'est mieux. Et pour cela, une seule solution : le travail doit s'adapter au travailleur et pas l'inverse.

Et vous, comment vivez-vous l'évolution de votre secteur ?

Sans l'implication de nos délégués du secteur du nettoyage, cette enquête n'aurait pas été possible. Il était donc logique de leur présenter les principaux enseignements de cette enquête lors d'une journée d'étude consacrée au sujet. L'occasion de leur donner la parole et de voir comment ils ressentent le phénomène dans leur sous-secteur.

Catherine Mathy, nettoyage classique

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En 1991, quand j'ai commencé dans le nettoyage, on utilisait un seau, une raclette et un torchon et on avait mal aux poignets. Ensuite, les presses sont arrivées et d'un seul coup, on n'avait plus mal aux poignets mais aux coudes. Ensuite les presses ont laissé la place à des tissus imbibés de produit qu'il faut remplacer lorsqu'ils sont sales. Et que constate-t-on ? A présent on a mal aux épaules. Le problème, ce n'est pas le matériel. Aussi longtemps que chaque amélioration sera accompagnée par des exigences de productivité et de rentabilité, ça n'ira pas. Le souci, c'est qu'on s'habitue à la douleur et ce n'est que lorsqu'elle devient insupportable que l'on tombe malade. Il faut bien se rendre compte que les travailleurs et travailleuses du secteur ont vraiment peur de tomber malade et que cela reste le dernier recours, quand ce n'est vraiment plus possible. Et même là, dès que ça va un peu mieux, on revient trop vite travailler et on rechute. Dans le nettoyage, on est souvent aussi seul sur un chantier. On a donc aussi souvent l'impression à être seul dans cette situation, or c'est loin d'être le cas.

Suzanna Toonstra, Eddy Verschueren, Nicole Sente et Giuseppe Raiselis (de gauche à droite), nettoyage classique.

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Eddy

Avec les années, on voit que le rythme est de plus en plus rapide. Aujourd'hui, chaque seconde compte. Nous sommes constamment en action, nous avons pas une seconde de répit. Dans notre métier, nous montons beaucoup de marches avec des seaux lourds. A la longue, le corps en souffre.

Nicole

La surcharge est très importante dans notre métier. On a tous de l'arthrose. Quant à l'arrivée de nouveau matériel, la seule chose que l'on constate, c'est que la douleur se déplace. On ne règle rien, on ne fait que déplacer le problème.

Suzanna

Au fil des années, on nous demande d'aller toujours plus vite. Chaque année de plus en plus vite. Il faut se rendre compte que le nettoyage est aussi un travail lourd. Et même si on nous donne des heures de formation pour nous apprendre à adopter les bons gestes, il faut être réaliste : dans la pratique, avec nos cadences, il nous est impossible d'appliquer ces techniques.

Giuseppe

Là où avant nous étions 20 personnes pour faire un travail, aujourd'hui nous ne sommes plus que 5. Ainsi par exemple pour laver une douche, nous avons calculé que cela devait se faire en 2 minutes et 22 secondes. Chapeau à celui qui y arrive ! On nous demande de faire tellement de choses en peu de temps que c'est tout simplement impossible.

Ledoux Franky, nettoyage industriel

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C'est un travail très sale et difficile. Parfois, on doit aller dans des petites trappes pour laver les ordinateurs dans les machines. Ils sont encrassés et les mouvements doivent être répétitifs. En 2005, on devait laver 3 ordinateurs en une heure. Aujourd'hui, nous en sommes à presque 9 ordinateurs pour la même période. Avec des produits de moins bonne qualité. Evidemment, la qualité s'en ressent et c'est la santé qui en prend un coup.

Sébastien Lecomte, laveur de vitres

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Pour les laveurs de vitres, la bonne vieille échelle a été remplacée par des perches télescopiques pour des normes de sécurité. Sauf que depuis lors, tout le monde a mal au cou. Ce système nous fait aussi gagner du temps et augmente notre productivité mais l'envers de la médaille, c'est qu'une telle perche de 15 mètres, c'est très lourd à porter. Les maux de dos sont très fréquents, sans parler des bras et du cou. Dans certains cas, nous devons même être deux pour tenir la perche. Mais évidemment, cela évite de devoir louer une nacelle. Le calcul est vite fait, sauf que nous y laissons notre santé. Il faut reconnaitre que le travail à l'ancienne abimait moins notre santé, ici, on détruit notre santé. D'ailleurs les absences sont nombreuses et il faut souvent passer par des infiltrations.

Theo Piperidis, nettoyage industriel

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Aujourd'hui, on a vraiment l'impression que le travail est mal géré. A mon avis, il est parfaitement possible de concilier la productivité et la santé des travailleurs. Mais il faut la volonté. Actuellement, les travailleurs du nettoyage industriel sont les mineurs des temps modernes.