Métiers en pénurie: Toutes et tous dans le même sac !

A en croire notre gouvernement, il y aurait de l’emploi partout, mais la main d’œuvre ferait défaut. Voyons pourquoi ces métiers en pénurie sont une supercherie.

“Jobs, jobs, jobs!” A en croire notre gouvernement bleu-jaune (virant au brun-noir), il y aurait de l’emploi partout, mais la main d’œuvre ferait défaut. C’est qu’à force de répéter le même refrain à qui veut l’entendre, ils finiraient par y croire eux-mêmes. Voyons d’un peu plus près pourquoi le Jobs Deal, passé à la hâte cet été, pas plus que le plan Jeholet en Wallonie ne combleront les trous dans le marché de l’emploi et encore moins les inégalités.

Michel et Peeters parlent de « dialogue social » pour relever le défi des métiers en pénurie. Mais ce Jobs Deal est tout sauf le fruit d’une quelconque concertation. Il n’y a aucune distinction entre des secteurs pourtant très différents. Le seul point commun est de faire porter toute la responsabilité sur les épaules des travailleurs et chômeurs.

Mesures sur mesure pour les « grosses boîtes »

En Wallonie, le langage du gouvernement MR-cdH n’est pas différent. Le « plan Jeholet », signé cet été reprend les mêmes recettes purement patronales : formation et responsabilisation des demandeurs d’emploi, mais simple « sensibilisation » des employeurs. Ajoutons à cela les coupes budgétaires dans les aides à l’emploi (APE), qui bénéficiait pourtant à plus de 60 000 travailleurs, et l’on se retrouve avec un tableau décidément noir pour la qualité de l’emploi en Wallonie.

Techniciens industriels… et techniciennes de surface, même combat ?

Le gouvernement part du principe que si tant de places ne sont pas occupées, c’est à cause des chômeurs qui, gâtés par leurs allocations, préfèrent se tourner les pouces plutôt que de se former correctement. Selon une étude de la FGTB Wallonne, il ressort clairement que les exigences avancées par les employeurs dans leurs offres d’emploi sont le plus souvent démesurées et donc discriminatoires. Et surtout, apposer la même étiquette de « métier en pénurie » pour des fonctions totalement disparates, c’est comparer des pommes avec des poires !

Quand pénurie rime avec supercherie

Exiger systématiquement des années d’expérience exclut de fait la plupart des jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi. Pour l’employeur le calcul est simple : les centres de formation sectoriels (en partie financés par les cotisations des travailleurs), l’enseignement technique et professionnel, sans oublier les universités deviennent ainsi des pourvoyeurs de main d’œuvre sur mesure… le tout aux frais de la collectivité.

Autre réalité, même étiquette « pénurie »

Dans d’autres secteurs, la charge de travail est telle qu’il est impossible d’effectuer un temps plein, alors que le faible salaire horaire l’exigerait pour pouvoir joindre les deux bouts. Le personnel du nettoyage et des titres-services, en majorité des femmes, se voit obligé de faire de plus en plus de mètres carrés par heure de travail. Prétendre résoudre la soi-disant pénurie de main d’œuvre dans de tels secteurs en encourageant les formations ne peut être que de la mauvaise foi. Pour pourvoir à ces postes sous-valorisés, nos dirigeants comptent davantage sur le retrait progressif des allocations de chômage, afin de ne laisser d’autre choix aux couches les plus vulnérables de notre société que de se faire exploiter.

Ne pas se laisser faire

Loin des discours positivistes de nos gouvernements, visant en fait à mettre la main sur les efforts de formation, nous constatons que sur le terrain tout est fait pour mener la vie dure aux travailleurs. Pire, la pénurie de main d’œuvre est utilisée comme argument « magique » pour justifier le rabotage de nos prépensions. Une raison de plus pour participer en masse aux actions du 2 octobre prochain !

Anita, 47 ans, technicienne de surface


Dans le nettoyage, ce n’est pas compliqué : les clients veulent que ce soit propre et que ça coute le moins possible et les employeurs suivent. Qui en sont les dupes ? Nous ! On le ressent dans nos salaires, nos heures, etc. En général, on aime bien notre travail, mais on se sent abandonnés à notre sort. On nous colle un prix pour nettoyer telle ou telle surface, mais chaque espace est différent : parfois c’est pratiquement vide, mais parfois il faut faire tout plein de meubles, et ça prend plus de temps, mais ça personne n’y pense.
Souvent on engage des étrangers, qui ne connaissant pas nécessairement leurs droits. Certains ne parlent même pas la langue. Alors les employeurs en profitent. Les clients aussi, parfois, par exemple quand ils annulent en dernière minute. Du coup pas de travail, pas de préavis. Par contre, il faut dire que souvent les clients nous respectent plus que les employeurs.

Ronny, 54 ans, opérateur dans la pétrochimie


J’ai eu la chance d’arriver dans la pétrochimie quand il ne fallait pratiquement pas de diplôme pour devenir opérateur. L’enseignement technique inférieur suffisait. Ensuite, j’ai connu toute l’évolution technologique du secteur, en bénéficiant de formations dans l’entreprise, au fur et à mesure. J’ai pu évoluer dans mon boulot. Et ça a bien changé: avant j’étais aux machines, maintenant tout se fait par ordinateur.

Le problème c’est qu’aujourd’hui les employeurs se plaignent de notre vieillissement, mais on ne donne plus de chance aux jeunes. Ou alors il faut qu’ils soient déjà ingénieur technique ou civil. Ils débarquent ici, doivent travailler de nuit, en équipes, au bout de quelques années ils sont épuisés. Pas étonnant qu’on n’en trouve plus ! Je commence à le sentir, moi aussi. Ce rythme de travail est de moins en moins tenable à mon âge. Je pense partir en prépension, mais bon, avec la politique actuelle, qui sait si ça sera encore possible.