Fausse réduction collective du temps et travail… et véritable risque pour les travailleuses

L’entreprise de Titres-services Trixxo offre la possibilité à ses travailleurs de souscrire à une réduction collective du temps de travail. Il s’agit surtout d’un avantage théorique avec d’éventuels conséquences fâcheuses pour plus tard comme le démontrent nos calculs. De plus, l’entreprise semble bénéficier d’un avantage financier conséquent.

A première vue, il fait bon être aide-ménagère dans l’entreprise Trixxo, une entreprise de titres-services qui occupe près de 6500 travailleurs à travers la Belgique. L’entreprise se bat pour instaurer une réduction collective du temps de travail (RCTT). Une nouvelle à priori positive pour les travailleuses sauf qu’il s’agit ni plus ni moins d’un détournement d’un système existant en vue d’accroitre les bénéfices du groupe. Plus grave encore: cette RCTT risque de fragiliser des aide-ménagères déjà en situation précaire. 

Rétroactes

L’entreprise Trixxo est une entreprise qui rachète à tout va ses entreprises concurrentes. Fin 2017, le groupe se composait d’environ 16 filiales chapeautées par la société mère Mediatic+. Cette structure complexe fait qu’une analyse en  profondeur du groupe est très difficile. D’ailleurs, à première vue, le groupe semble même être déficitaire. Néanmoins, après une analyse plus fouillée, on se rend compte que grâce aux acquisitions, l’ensemble du groupe a connu une forte croissance. Cependant, pas question pour l’employeur de profiter de la bonne santé de l’entreprise pour augmenter les salaires de ses travailleurs. Il utilise exclusivement les bénéfices dans le rachat d’autres entreprises. 

RCTT « théorique »

Vu la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur, il cherche d’autres moyens afin de pouvoir garder son personnel sans réellement augmenter leur salaire brut…

Et le moyen qu’il a trouvé, c’est l’instauration d’une réduction collective du temps de travail «théorique» pour ses travailleurs, de 38 à 35 heures par semaine.

Pourquoi « théorique » ? La plupart des aide-ménagères travaillent à peine 30 heures par semaine. Et au niveau sectoriel, seuls 10 % des travailleurs sont occupés à temps plein. 

Ce qui n’est pas théorique, c’est bien l’avantage pour l’employeur : en effet,  cela lui permettrait de recevoir des réductions de cotisations à l’ONSS de 400 € par travailleur et par trimestre. Si on utilise au maximum les possibilités prévues dans la loi, il pourrait bénéficier de ces réductions pour une période de 36 trimestres. Sur base de 5000 ouvriers, cela pourrait coûter 72 millions €  à l’ONSS et donc à la collectivité.

Conséquences pour les travailleuses ? 

On le disait en guise d’introduction, à première vue, ça sonne bien et l’opération semble bonne pour tout le monde, y compris les travailleuses, sauf que…   

  • l’augmentation pour les travailleuses est exclusivement financée par la sécurité sociale. Par ce détournement du bonus à l’emploi, le salaire net des travailleuses augmente. 
  • Dans le même temps, l’employeur paie moins de précompte professionnel et reçoit une réduction des cotisations ONSS.
  • En matière de chômage aussi, il y a des conséquences comme par exemple l’impact négative sur le complément chômage. 

Plus grave encore : avec ce mécanisme, l’employeur va obliger les aide-ménagères à temps partiel à ne pas respecter la législation chômage en ce qui concerne l’«obligation de rester inscrit comme demandeur d’emploi à temps plein ». 

Arnaque pure et simple

Pour les trois organisations syndicales dans le secteur -  la Centrale Générale-FGTB, la CSC Alimentations & Services et la CGSLB – uni en front commun, il est évident qu’il s’agit ici d’un détournement d’un système existant à des fins purement lucratives. Nos services d’étude estiment que cette réduction rapporterait à l’employeur 21 cents par heure de prestation. N’oublions pas que nous parlons du secteur des titres-services, un secteur déjà subventionné. 
Face au refus de notre organisation syndicale d’accepter la mise en place de ce système, un bureau de conciliation a eu lieu. 

Il s’est soldé par un échec. L’employeur s’obstine dans sa volonté. Il affirme avoir racheté deux nouvelles entreprises afin de pouvoir y transférer les aide-ménagères et ainsi contourner la concertation sociale. Pour l’heure, nous avons informé les services d’inspections et nous espérons qu’ils confirmerons rapidement qu’il s’agit bien là d’un usage illégal du système. Le plus urgent pour nous aujourd’hui est de bien informer les aide-ménagères sur les risques qu’elles encourent. Nous leur recommandons de ne pas se laisser séduire par cette offre qui pourrait avoir de graves conséquences à terme.