Ne vous en approchez pas ! Résistez-lui !

Dans de nombreux pays européens, les partis d'extrême droite attirent de nombreux votes et élus. Ils ambitionnent le pouvoir. C'est également le cas en Belgique, plus précisément en Flandre. Le Vlaams Belang, parti d'extrême droite, réalise des scores élevés dans les sondages et espère briser le cordon sanitaire en 2024. Cet accord entre les partis démocratiques de ne pas gouverner ou coopérer avec l'extrême droite est de plus en plus mis sous pression. Bon nombre de faiseurs d'opinion et de médias pensent à tort qu'il n'y a pas de réel danger émanant de l'extrême droite. Après tout, ne participent-ils pas aux élections comme les autres partis ? Il s’agirait donc d’un parti normal, comme les autres.

En tant que Centrale Générale - FGTB, nous sommes très préoccupés par cette 'normalisation' de l'extrême droite. Nous savons en tout cas que les objectifs de l'extrême droite, tant dans le passé qu'aujourd'hui, vont à l'encontre des intérêts concrets des travailleurs. Y compris les intérêts de ce qu'ils appellent leur 'propre peuple'. Il est donc de notre devoir, en tant que syndicat socialiste, de mettre en garde les travailleurs contre le danger réel que représente l'extrême droite et de leur dire franchement : ne vous en approchez pas, ne votez pas pour celle-ci, opposez- vous-y, elle ne résoudra rien, elle ne fera qu'empirer les choses.

Les partis de la scission asociaux

Prenez le Vlaams Belang, par exemple. Tout d'abord, il s'agit d'un parti en faveur de la scission. Le Vlaams Belang veut détruire la Belgique. Il veut une Flandre indépendante. Cela n'aidera pas l'économie. La Belgique est un État membre de l'Union européenne. Et comme nous l'avons vu lorsqu'en octobre 2017 les nationalistes catalans ont voulu faire sécession de l'Espagne, l'Union européenne ne reconnaîtra pas et n'absorbera pas ce nouvel État membre. Cela signifie que, comme après le Brexit, il y aura des prélèvements à l'importation, il y aura des péages, et il y aura à nouveau des frontières. De nombreux produits vont se raréfier et devenir plus chers. Si cette Flandre indépendante n'est pas non plus admise dans la zone euro, elle devra même réintroduire sa propre monnaie. Pensez-vous que nous serons mieux avec un 'Franc flamand' ? Sur la tête de qui les entrepreneurs vont-ils faire passer tout cela ? Ils se tourneront vers les travailleurs qui, tout comme les travailleurs du Royaume-Uni aujourd'hui, se verront lentement mais sûrement présenter la facture...

L'une des conséquences de la division du pays est que notre sécurité sociale serait également divisée. Dans une Flandre indépendante, la droite et l'extrême droite pourront poursuivre leurs politiques néolibérales avec encore plus de force. Elles rêvent déjà de la fin des conventions collectives de travail nationales sectorielles, de la suppression de l'indexation, d'encore plus de cadeaux et d'exonérations pour les employeurs, de la traque des malades et de ‘mettre à sec’ les chômeurs...

Contrairement à ce que le Vlaams Belang dit de lui-même, l'extrême droite est asociale. L'extrême droite divise les gens en catégories avec les siens au sommet.
 
Mais sa démagogie sociale n'en est même pas une pour son propre peuple. Le soi- disant discours social, basé sur le racisme, sert à gagner le soutien de la population active. Mais aussi bien le passé que ce que l'on rencontre à l'étranger aujourd'hui le prouvent : une fois au pouvoir, la population active en pâtit. Ainsi par exemple dans les villes et municipalités de France où l'extrême droite est au pouvoir, les familles les plus vulnérables sont prises pour cible : suppression des repas chauds à l'école, suppression de l'accueil périscolaire et son remplacement par une garderie privée payante, suppression de la gratuité des transports scolaires...

En février, une résolution a été déposée au Parlement européen « sur la réduction des inégalités, avec une attention particulière accordée à la pauvreté des travailleurs ». Ce texte proposait une augmentation du salaire minimum au-dessus du seuil de pauvreté. La N-VA et le Vlaams Belang ont voté contre l'augmentation de ce salaire minimum. Donc nous voyons que la pratique est différente des mensonges sociaux qu'ils nous racontent.

Avec ces mensonges sociaux, ils veulent, entre autres, attirer les travailleurs qui sont à juste titre en colère et au bord du désespoir parce que les factures sont impayables et que leurs salaires ne peuvent pas augmenter. En disant qu'ils sont la voix du 'peuple' luttant 'contre l'élite', ils veulent prendre ces personnes dans leurs filets. Ne tombez pas dans leur piège. Ceux qui veulent que le pouvoir d’achat soit renforcé, ceux qui sont en colère, feraient mieux de rejoindre les actions de la FGTB. Alors que le Vlaams Belang ment et fait tout ce qui est en son pouvoir pour plaire aux entrepreneurs, c’est le syndicat qui est le véritable contre-pouvoir social dans la société.

Ce n’est donc pas un hasard si les syndicats sont la cible de l’extrême droite. En Italie, l’extrême droite a pris d’assaut le siège du principal syndicat italien (la CGIL) et y a causé des dégâts. En Espagne, le leader de l’extrême droite a appelé à mettre les deux plus grands syndicats (CC.OO et UGT) hors la loi et à poursuivre leurs dirigeants en justice. Le président du Vlaams Belang a déclaré à l’occasion du 1er mai que son parti « est le syndicat du Flamand de la rue ». Dans le même temps, son parti tente, pour la énième fois, d’écarter les vrais syndicats au moyen de projets de loi relatifs à la personnalité juridique. Lorsque ces personnes utilisent le mot ‘syndicat’, elles pensent à des syndicats corporatistes, de faux syndicats qui, avec les patrons, mettent en avant les intérêts de la nation et balaient les intérêts spécifiques des travailleurs.

La défense du pouvoir d’achat, c’est l’affaire des syndicats

Notre syndicat connaît une longue tradition de résistance à l’extrême droite qui est un monstre tricéphale : il vit du nationalisme, du racisme et de l’antisyndicalisme. En tant qu’organisation syndicale, nous endossons deux responsabilités : une par rapport à notre propre arrière-ban et une autre vis-à-vis de l’ensemble de la société, en tant qu’organisation sociale majeure.

Alors que les syndicats mobilisent pour préserver le pouvoir d’achat des travailleurs à un moment où les prix de l’énergie flambent, l’extrême droite entreprend des tentatives pour écarter ces mêmes syndicats.

Or, nous, les syndicats, nous comprenons la colère des gens, nous la traduisons socialement et nous l’organisons. Et non l’extrême droite. L’extrême droite se trouvait toujours et se trouve encore dans le camp adverse lorsqu’il s’agit de la conquête ou de la défense des droits et des libertés des travailleurs. Nous, les syndicats, nous avons manifesté le 20 juin à Bruxelles pour plus de pouvoir d’achat au moyen de salaires plus forts. Nous, les syndicats, nous luttons pour l’augmentation du salaire minimum, des pensions, pour l’abaissement de l’âge de la pension, pour la reconnaissance des métiers lourds, …

Ensemble on est plus forts

La lutte contre l’extrême droite est une lutte que nous menons à travers la Belgique entière. Si l’extrême droite n’a pas encore percé jusqu’à présent en Wallonie, c’est principalement grâce à notre détermination de ne pas céder d’un pouce vis-à-vis de ces personnes qui incitent à la haine et sèment la zizanie parmi les travailleurs. Nous devons maintenir cette mobilisation antifasciste. Car en Wallonie aussi, l’extrême droite tentera encore de profiter du mécontentement des gens.

Cette lutte, nous la menons ensemble, dans toute la Belgique. Ce qui veut dire que nous continuons, à l’unisson, d’œuvrer en faveur d’un cordon sanitaire ainsi que d’un cordon médiatique : que personne ne s’engage dans une combine avec l’extrême droite, que l’extrême droite soit empêchée de diffuser sa haine, ses mensonges et ses complots conspirationnistes sans aucun filtre dans les médias. L’histoire ne se répète pas et certainement pas de la même façon. Il existe cependant des similitudes. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de commémorer.

C’est la raison pour laquelle nous soutenons la Coalition 8 mai pour transformer ce jour de victoire sur le nazisme en jour férié officiel. C’est la raison pour laquelle nous commémorons à Anvers chaque année deux syndicalistes, Albert Pot et Theo Grijp, qui ont été assassinés par des militants de l’extrême droite en mai 1936.

Mais si nous commémorons, c'est avant tout parce que nous voulons avoir une prise sur le présent et l’avenir.

Parce que nous voulons capter l’attention et attirer le regard des jeunes. Parce que nous, Centrale Générale - FGTB, nous voulons dire aux jeunes : nous avons besoin de plus de droits et de libertés démocratiques et sociaux, pas de moins.

Parce que nous voulons expliquer aux jeunes que l’épanouissement individuel ne peut se faire correctement que s’il repose sur un réseau social collectif : une sécurité sociale forte, des services publics performants, un enseignement de qualité abordable, …

Et c’est pourquoi nous avons besoin d’un syndicat socialiste … et non de l’extrême droite. Ce n’est qu’ensemble que nous pouvons changer les choses… et les rendre meilleures. •

Vincent Scheltiens, historien Université d’Anvers - CG Info - Mai 2022