L’espoir d’une société plus juste porté par Allende doit perdurer

Ce 11 septembre 2023 marque les 50 ans d’un sinistre anniversaire au Chili, celui du coup d’état militaire envers le gouvernement socialiste de Salvador Allende. Elu démocratiquement en 1970 malgré l’adversité, il tentera de mettre en place une politique économique et sociale au service du peuple et des travailleurs. Il s’était promis de réformer les structures du Chili, de nationaliser des secteurs tels que l’énergie. Une politique suivie avec attention et espoir par de nombreux pays mais aussi une politique crainte par le capital et les Etats-Unis qui vont tout mettre en œuvre pour annihiler cet espoir d’un monde meilleur.

Augmenter les salaires des plus précaires, éducation gratuite, introduction du modèle d’Etat providence, nationalisation de différents secteurs… Allende débordait d’ambition pour améliorer les conditions des Chiliens qui vivaient dans la pauvreté. Il mettra ses réformes à exécution après son élection en 1970 mais ses réformes sont vues d’un mauvais œil par le capital et les USA qui perdent peu à peu de leur influence dans le pays. Ils vont donc manigancer dans l’ombre pour déstabiliser le pays : 

« C’est la preuve de la réaction de la droite quand les travailleurs prennent le pouvoir dans un pays », explique Geoffrey Goblet, secrétaire général de notre centrale. « Avant le coup d’état de 73, le capital va organiser des pénuries. Une grève des camionneurs orchestrée par la CIA va par exemple paralyser et affamer le Chili. C’est une recette qu’ils vont appliquer dans bien d’autres pays d’Amérique latine. Les USA et le capital ne pouvaient pas se permettre que le Chili réussisse car ça aurait inspiré l’espoir à l’ensemble des travailleurs du monde. »

Après l’espoir, la répression

Allende tentera de résister à la pression de l’ultralibéralisme mais finira par tomber, emmenant avec lui son rêve d’une politique économique et sociale au service du peuple et des travailleurs. Lors de l’invasion de la capitale Santiago par l’armée, il se suicide préférant perdre la vie par loyauté envers son pays, plutôt que de rendre les armes.
C’est Augusto Pinochet, le commandant en chef de l’armée de terre qui prendra les pleins pouvoirs. C’est le début d’une dictature qui durera près de 17 ans. Il instaurera une politique de terreur qui causera la mort de 3000 opposants, des dizaines de milliers de Chiliens torturés et exilés. Ce coup d’état marquera également la fin d’une expérience politique économique et sociale suivie avec attention et espoir dans de nombreux autres pays.

Les travailleurs doivent s’opposer au capital

Après ces années noires, le Chili renoue avec la démocratie et les derniers mots de Salvador Allende résonnent toujours dans les esprits : « J’ai confiance au Chili et à son destin. Allez de l’avant sachant que bientôt s’ouvriront de grandes avenues où passera l’homme libre pour construire une société meilleure. Vive le Chili, vive le peuple, vive les travailleurs ! »
Eradiquer les inégalités, réduire la pauvreté et construire une société plus juste. Les objectifs d’Allende sont les mêmes que ceux que nous défendons en tant que syndicat. Et ses adversaires d’hier sont les mêmes que ceux auxquels nous devons faire face aujourd’hui : le capital. Allende et tout un peuple étaient animés par l’espoir. Et il a ressurgi après la fin de la dictature au Chili. L’espoir d’un monde meilleur, c’est ce qui anime également la FGTB : « C’est par la solidarité, par un projet de répartition juste des richesses, de lutte contre les injustices créées par le capital qu’on améliorera ce monde. Ce n’est pas par un discours de rejet et du repli sur soi qu’on va y arriver. Travailleurs, ensemble on peut y arriver », rappelle Geoffrey Goblet.

 

Dake 25 : « Si on oublie, on est condamnés à reproduire les mêmes erreurs »

Dake 25 est un artiste belgo-chilien, il réalise des fresques de street-art. Son histoire se raconte à travers ses œuvres. Il utilise son art pour transmettre des messages : « J’ai appris à faire du graffiti dans les rues au Chili. Durant la dictature, toutes les œuvres ont été recouvertes de gris, comme tout le reste. D’où l’importance des couleurs ! Et pour moi, le graffiti permet de rappeler que les rues appartiennent au peuple. » 

Dake 25 - Chili - Allende

La Centrale Générale – FGTB a demandé à l’artiste de réaliser une fresque pour illustrer la commémoration des 50 ans du coup d’état. Il nous explique différents éléments qui composent son œuvre.

Allende occupe un espace prépondérant dans ton œuvre, quel souvenir laisse-t-il au peuple chilien?

Allende était un homme d’une intégrité sans pareil. C’est une icône, le symbole d’une époque pleine d’espoir. C’est le président qui a donné sa vie pour le peuple. Je mets en évidence ses lunettes car elles sont symboliques. Il est une source d’inspiration pour de nombreuses personnes aujourd’hui. 

En opposition, tu places une tête de mort avec des dollars américains.

C’est Pinochet. Il représente la mort, les militaires de cette époque qui n’hésitaient pas à tuer les opposants. Il a vendu son âme au diable et pratiqué une politique de peur pendant 17 ans ! Le mot USA est gravé sur le front, ça représente toute leur implication, dans l’obscurité. Ils ont financé le coup d’état et ont soutenu l’instauration d’une dictature au Chili. Ils sont eux aussi responsables de la mort de milliers de citoyens. 

Tu as également inscrit « La Historia es nuestra », qu’est-ce que ça signifie?

Ca veut dire : « l’histoire est nôtre ». C’est le peuple qui construit l’histoire. C’est une phrase célèbre d’Allende. La commémoration de ce 11 septembre nous replonge dans l’histoire et nous rappelle qu’on ne peut pas oublier. Si on oublie, on est condamnés à répéter les mêmes erreurs. Pour la jeunesse, on doit véhiculer l’espoir qu’un monde meilleur est possible. Cette peinture est un cadeau pour la communauté chilienne, un hommage pour toutes celles et ceux qui ont perdu la vie car ils pensaient autrement et réclamaient une justice sociale.

D’ailleurs dans l’histoire récente du Chili, de grandes manifestations ont eu lieu pour s’opposer au gouvernement Pinera?

Oui, fin 2019, les jeunes se sont révoltés contre l’augmentation du prix des tickets de métro décidée par le gouvernement Pinera. Les manifestants ont été réprimés avec une grande violence. Ca nous a replongés dans l’histoire sombre de notre pays mais nous n’avons pas faibli. Suite à cet épisode, le peuple a changé les choses, nous sommes redevenus solidaires, soudés. Lors des élections de 2021, Gabriel Boric a été élu président. Il donne l’espoir d’une politique humaine mais on doit faire attention de ne pas se rendormir car le capitalisme n’est jamais très loin de notre porte.

Oeuvre Dake25 - Façade
L'oeuvre réalisée par le graffeur Dake 25 afin de commémorer les 50 ans du coup d'état au Chili a été installée sur la façade de la Centrale Générale - FGTB au 26-28 Rue Haute - 1000 Bruxelles.