Où sont les femmes dans la construction ?

Pas assez sur les chantiers, c’est un fait. Mais pourquoi ? C’est la question à laquelle nous avons voulu répondre en compagnie de deux témoins privilégiées. L’une est comptable et déléguée dans le secteur de la construction et l’autre travailleuse sur chantier depuis plusieurs années. Elles nous racontent leurs expériences différentes, mais au final, elles s’accordent pour dire qu’accueillir plus de femmes ou de personnes issues d’autres minorités (personnes trans, porteuses d’un handicap, …) sur les chantiers, c’est avant tout une question d’éducation et de volonté.

Préjugé n°1 : « Les charges sont trop lourdes » 

Mimouna : Il est vrai que dans le secteur, on transporte beaucoup de poids et ce n’est pas facile pour une femme… Mais d’un autre côté, j’ai été aide-soignante et je dois bien admettre que bouger un malade dans son lit, ce n’est pas plus léger. Et en tant que maman, trimbaler son bébé dans son maxi-cosy, ça fait aussi son petit poids. Donc je ne sais pas si cet argument tient vraiment la route.
 
Val : Pour moi, c’est un argument qui ne tient pas la route. Aujourd’hui, on fait des sacs de plus en plus petits. Réduire le poids des sacs c’est bon pour tout le monde,
pas juste pour le dos des femmes. Je n’ai jamais éprouvé de problèmes pour porter les sacs. En plus, personne ne dit en voyant une maman avec son enfant dans les bras
« Oh là, là, il est trop lourd pour elle ». Tout le monde trouve ça normal. C’est bien la preuve que les femmes sont capables de porter ces poids. Et moi aussi j’ai été aide- soignante, j’étais capable de déplacer des gens qui pèsent trois fois mon poids. C’est juste une question de techniques.

Préjugé n°2 : « Il n’y a ni toilettes ni vestiaires »

Val : Ça, c’est vraiment l’argument qui me fait bondir ! Ce n’est pas ce qui m’empêche aujourd’hui de travailler. Et puis, vous savez combien ça coute des toilettes chimiques ? 60 €. A ce prix-là, vous placez un WC dans la camionnette et il n’y a plus de problème. Pas que pour les femmes hein, pour tous. Vous ne pensez pas que tout le monde a droit à des toilettes ? Même chose pour les vestiaires. Ce ne sont que des excuses.

Préjugé n°3 : « Le matériel n’est pas adapté aux femmes »

Val : Le matériel existe, après, je veux bien admettre qu’il faut parfois chercher un peu plus, par exemple les gants. Dans la plupart des magasins, on ne trouve pas de la taille 7, ça commence à 8. Mais ça existe. Pour les outils, je n’ai jamais rencontré de difficultés.

Préjugé n°4 : « Les femmes ne sont pas les bienvenues »

Val : C’est clair. Pour moi, ce qui est le plus insupportable, c’est lorsque je suis sur un chantier, en train de faire mon travail, que je connais par cœur, et qu’un homme arrive soit pour inspecter, soit pour reprendre ce que j’ai fait, soit me demander si ça va aller… Hé, les gars, c’est mon travail, je gère ! Et je ne parle même pas des commentaires sexistes ou du harcèlement.

Mimouna : Oui, tu as raison, il y a encore beaucoup de choses à changer, mais j’ai quand même l’impression qu’aujourd’hui, on sème les graines et que plus tard, on pourra cueillir les fleurs. Il faut commencer par de petites choses pour faire évoluer les mentalités.

Préjugé n°5 : « Les gens ne sont pas prêts à voir des femmes sur les chantiers »

Val : Dès l’enfance, on nous conditionne à suivre un modèle. Ne te salis pas, assieds-toi bien, fais-toi belle… Pour moi, c’est avant tout une question de formation. Mais là aussi, il reste du boulot : certains enseignants se permettent encore de faire des blagues sexistes, or, l’enseignement a un grand rôle à jouer pour permettre l’intégration des femmes dans le secteur. Sans oublier que le harcèlement sur les chantiers est encore bien présent.

Mimouna : Et les employeurs ont eux aussi une part de responsabilité. Souvent ils ne veulent pas engager des femmes de peur de déstabiliser leurs équipes. Il est clair que nous devons tous travailler à de meilleurs comportements. Et avec la pénurie de main-d’œuvre dans la construction, c’est peut-être le signe qu’il est temps d’arrêter cette discrimination et de faire évoluer les mentalités et les chiffres : au niveau du secteur, sur les chantiers, il y a 99 % d’hommes contre 1 % de femmes. Dans mon entreprise par exemple, on a 13 % de femmes dans les fonctions d’ingénieur et au top management, on redescend à 2 % de femmes. 

Bref, accueillir plus de femmes sur les chantiers, c’est possible, mais uniquement si les enseignants, les employeurs et les travailleurs unissent leurs efforts afin de rendre le secteur plus inclusif, c’est une question de bon sens.•