Les horaires atypiques nuisent gravement à la santé

Lisa en Vi
            Lisa en Virginie

Il y a quelque temps, l'HIVA a organisé une enquête sur l'impact des horaires de travail atypiques sur le bien-être des travailleurs à la demande de notre centrale. Nous avons interviewé Virginie Caverneels et Lisa Trogh qui ont été étroitement impliquées dans cette enquête. Virginie est responsable du service d'études de la Centrale Générale de la FGTB et Lisa est conseillère cellule bien-être au sein de ce même service.

 

  • Qu'est-ce que l'HIVA et qu'entend-on par horaires de travail atypiques ?

Virginie: L’Hiva est l'Institut de recherche sur le travail et la société de la KU Leuven. Il mène des recherches scientifiques sur toutes sortes de mesures politiques concernant le travail et l'organisation, la migration, l'éducation et l'apprentissage tout au long de la vie, ...

Les horaires de travail atypiques comprennent tous les horaires de travail qui s'écartent du rythme de jour standard ou qui n'impliquent pas de travailler de jour pendant les heures de travail normales. Il peut s'agir d'équipes et de rythmes nocturnes, mais aussi d'horaires fractionnés, d'horaires terminant tard ou commençant tôt, ...

  • Qu'entend-on par "bien-être" des travailleurs ?

Lisa: Si vous demandez aux gens " Que signifie le bien-être pour vous ? " dans un contexte professionnel, vous obtiendrez souvent une grande variété de réponses. Se sentir bien au travail, avoir un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée, avoir de bonnes relations avec ses collègues, bénéficier d'un soutien suffisant de la part de ses supérieurs, se sentir bien physiquement au travail, ne pas être stressé.

Le bien-être au travail est tout ce qui a trait à la sécurité et à la santé au travail pendant l'exécution du contrat de travail du travailleur.

Sept domaines de bien-être ont été définis en Belgique : la sécurité au travail, la protection de la santé du travailleur, les aspects psychosociaux du travail, l'ergonomie, l'hygiène du travail, l'embellissement du lieu de travail et les aspects environnementaux applicables aux domaines précédemment formulés. Lorsque l'on parle de bien-être au travail, il faut normalement avoir à l'esprit ces domaines de bien-être.

Pour le dire autrement, l'élément moteur devrait toujours être que le travailleur commence sa carrière professionnelle à partir d'une certaine situation de santé et que l'exercice du contrat de travail ne peut/doit pas avoir d'effet perturbateur sur la santé du travailleur. Avec cette idée en tête, le bien-être au travail prend une forme très concrète.

  • Pourquoi cette enquête a-t-elle été lancée ?

Virginie: Les secteurs de la Centrale Générale sont des secteurs où les horaires de travail atypiques sont la règle plutôt que l'exception. Qu'il s'agisse de secteurs de services tels que les services de nettoyage ou du gardiennage qui commencent souvent très tôt ou travaillent encore tard, ou de secteurs industriels tels que la chimie ou l'industrie du verre avec des équipes structurelles et du travail de nuit.

Nous sommes préoccupés depuis des années par l'impact de ces horaires de travail sur le bien-être des travailleurs, sur leur santé mentale et physique à court et à long terme, et par leurs effets sur l'organisation de leur vie privée.

Dans cette optique, la Centrale Générale a souhaité avoir une vision plus objective et scientifique des effets des rythmes de travail atypiques chez les travailleurs. L'objectif, après les constatations et le traitement des résultats, est évidemment d'adapter nos revendications syndicales aux besoins des travailleurs et d'ajuster notre fonctionnement syndical en conséquence.

  • Qu'a-t-on demandé exactement aux personnes interrogées et qu'en est-il des réponses ?

Lisa: Le titre du rapport d'enquête est le suivant : "Quel est l'impact sur le bien-être des horaires de travail atypiques parmi les membres de la FGTB dans le secteur de la métallurgie et dans les secteurs de la Centrale Générale FGTB ?

L'objectif de l'enquête était d'identifier le nombre de travailleurs employés dans un régime de travail atypique et l'impact qu'un tel emploi entraîne. 

Grâce à un questionnaire en ligne auprès de 5480 participants, les régimes de travail ont été déterminés et le bien-être physique, mental et social a été analysé. Sur la base de ces données, la relation entre les caractéristiques spécifiques du temps de travail (feu continu, travail de nuit, travail en équipe, etc.) et les résultats en matière de bien-être (sommeil, bien-être physique, bien-être mental, etc.) a été étudiée. En outre, cela a également permis d'identifier la manière dont les travailleurs évaluent eux-mêmes la durabilité de leur emploi.
Une expérience de choix a été utilisée pour examiner comment les travailleurs souhaitent être indemnisés pour des horaires de travail atypiques par rapport à un emploi traditionnel qui implique de travailler exclusivement pendant la journée. Les résultats de l'ensemble ont ensuite été discutés avec un panel afin d'affiner certaines conclusions de l’enquête.

Sur les 5480 réponses collectées, 4619 ont été définies comme pouvant être utilisées dans le cadre de l'enquête.

  • Quels sont les principaux résultats de cette enquête ?

LisaLe travail de nuit, le travail de week-end et le travail en équipe sont très répandus parmi les membres de la FGTB interrogés. Les quick returns, l'autonomie d’horaire, la possibilité d'être rappelé, l'irrégularité et la participation sont moins fréquents parmi les personnes interrogées.

En termes de sommeil, de santé physique et de bien-être mental et social, les résultats sont plutôt mauvais. Le travail de week-end, les quick returns et l'irrégularité sont associés à des résultats médiocres en matière de bien-être.

L'autonomie d'horaire et la participation sont positivement associées à de bons résultats en matière de bien-être. Il est précisé qu'il ne faut pas négliger l'aspect psychologique de la "capacité à choisir pour soi-même".

Les quick returns, la possibilité d'être rappelé et l'irrégularité sont liés à une plus faible durabilité de l'emploi. L'autonomie en matière d'horaire et la participation sont liées à une meilleure durabilité de l'emploi.

Sur la base de l''expérience de choix proposée dans le questionnaire, un certain nombre de conclusions peuvent être tirées. La variation de la prime souhaitée entre les personnes interrogées est importante. Certains travailleurs se contentent de primes faibles, tandis que d'autres exigent des primes plus élevées. Il y a également une forte préférence pour les équipes alternantes avec un horaire fixe par rapport aux équipes alternantes avec un horaire variable. La santé et l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée sont les principales raisons de choisir l'équipe de jour.

Par rapport à ces résultats, il est important de préciser que les liens/associations ont été étudiés entre les caractéristiques du temps de travail et les résultats en matière de bien-être/indicateurs de durabilité et qu'il n'est pas possible d'identifier la causalité (= relations de cause à effet) sur la base des résultats. 

Ces résultats ont également été discutés lors d'un panel avec différents acteurs. Chercheurs, membres de syndicats, conseiller en prévention-médecin du travail, travailleurs de la Centrale Générale et de l'ABVV Metaal. 

Un premier élément important à mentionner est qu'il existe de nombreuses distinctions entre les secteurs. Tant au niveau de l'intensité du travail atypique que de la rémunération, de la politique de prévention et des relations de travail. En outre, il est également important d'examiner à quels différents niveaux des initiatives peuvent être prises en la matière. Faut-il en discuter au niveau de l'entreprise (Comité pour la prévention et la protection au travail), dans le cadre de la concertation sectorielle, ou faut-il utiliser un cadre interprofessionnel?
En outre, une pression est exercée sur l'organisation du travail : les réductions de personnel obligent les travailleurs à remplacer d'autres collègues, ce qui rend l'emploi atypique encore plus lourd.

Au niveau de l'entreprise, les initiatives peuvent être moins ressenties car chaque entreprise doit faire face à un climat social différent. Cependant, des efforts et une vigilance au niveau de l'entreprise sont nécessaires. Une CCT sectorielle peut offrir des règles communes à toutes les entreprises.

Enfin, il existe un cadre légal avec la loi de 2017 sur le travail faisable et maniable et des aspects du deal sur l'emploi de 2022 qui semblent ne pas atteindre leur objectif. Les législations belge et européenne contiennent déjà de nombreuses dispositions qui, si elles étaient pleinement respectées, amélioreraient la situation de nombreux travailleurs.

  • Que pensez-vous qu'il soit concrètement possible de faire pour résoudre les principaux points d'achoppement révélés par cette enquête ?

Virginie: Les problèmes majeurs rencontrés par les travailleurs ayant des rythmes de travail atypiques se situent dans les domaines du bien-être. La santé physique, le bien-être mental et social sont compromis et les personnes interrogées ont déclaré souffrir d'un manque de sommeil.

Plus spécifiquement, les horaires variables, le travail de week-end et les possibilités d'être rappelé semblent particulièrement problématiques. Seules l'autonomie en matière d'horaires et la participation aux horaires semblent avoir un effet positif sur les indicateurs de bien-être.

Les différents points d'achoppement nécessitent une approche approfondie de l'organisation du travail dans les secteurs et les entreprises. Cette approche ne va pas de soi, compte tenu de la situation et des possibilités de négociations dans chaque entreprise.

Une analyse des risques approfondie prenant en compte les risques pour la santé et le bien-être des travailleurs de certains systèmes de travail en équipe et de travail de nuit en particulier dans l'organisation du travail au sein d'une entreprise ou d'un secteur aurait déjà un impact.

En outre, il faudrait également travailler sur un cadre permettant aux travailleurs qui ont travaillé dans cette organisation de travail pendant une grande partie de leur carrière de quitter le marché du travail de manière anticipée et dans la dignité. Depuis des années, nous plaidons en faveur d'une politique de fin de carrière appropriée pour les travailleurs en équipe et les travailleurs de nuit. Les possibilités actuelles de passer à un emploi de jour sont insuffisantes (pas assez attractives) pour les inciter à franchir le pas. L'enquête de l'HIVA nous a également appris que les travailleurs sont prêts à prendre des risques pour leur santé et leur bien-être s'ils sont correctement rémunérés. Sortir du système est souvent un risque financier trop important.

 

Consultez notre vidéo sur les horaires de travail atypique