Réintégration des malades ? Pas au détriment des travailleurs porteurs de handicaps

Parmi les nombreuses mesures que l’Arizona entend mettre en place, citons la remise au travail des malades de longue durée. Dans ce contexte, les Engagés proposent de réintégrer les malades de longue durée  au sein des ETA (les entreprises de travail adapté). Pour les syndicats, c’est une « fausse bonne idée » susceptible de réduire encore plus les possibilités de mise à l’emploi des personnes en situation de handicap.

Les ETA wallonnes peinent déjà à donner du travail pour l’ensemble du personnel et le recours au chômage temporaire est fréquent. Dans ces conditions, comment l’élargissement du public cible des ETA pourrait-il ne pas pousser hors du dispositif les profils les plus faibles et porteurs des handicaps les plus lourds si une partie des opportunités d’emploi sont occupées par des travailleurs formés, expérimentés et plus autonomes ?

Des besoins énormes

Pourtant, les besoins  en matière d’inclusion socioprofessionnelle des travailleurs porteurs de handicaps sont énormes. La dernière DPR renseigne un taux d’emploi en Wallonie chez les personnes en situation de handicap qui ne dépasse pas 40 % ! Une main-d’œuvre existe donc pour ces entreprises dans le cadre de leurs missions de base justifiant le financement public dont elles bénéficient.

Notons aussi que les ETA sont autorisées à engager des travailleurs reconnus invalides  par l’INAMI. Elles jouent donc déjà un rôle en matière de réintégration de certains profils de malades de longue durée.

En outre, nous constatons depuis longtemps que toutes les ETA ne mettent pas tout en œuvre pour réintégrer leurs propres malades de longue durée. Nous songeons, entre autres, aux nombreuses demandes refusées de reprises partielles pourtant autorisées par le médecin-conseil et le médecin traitant.

Un secteur de déclassement social

Alors que le secteur des ETA s’est construit durant des années avec des milliers de travailleurs ayant choisi, volontairement, malgré le handicap, de  se diriger vers un emploi en entreprise, nous avons le sentiment que nous ferions ici tout l’inverse. Des travailleurs mis sous pression via la politique fédérale de réintégration seraient contraints de se diriger vers une ETA. Ce secteur porteur d’émancipation ne peut se transformer demain par une vision opportuniste des entreprises  en secteur de déclassement social.

Nous avons eu ce 22 avril une rencontre avec l’EWETA (fédération patronale des ETA), l’AVIQ et un représentant du cabinet Coppieters.  A l’issue de celle-ci, nous avons reçu l’assurance d’avoir été  entendus par les différents acteurs, mais nous n’avons pas été rassurés et nous n'avons pas obtenu plus de détails sur le projet qui serait toujours en phase de réflexion.

Nous avons obtenu du banc patronal la proposition de travailler entre interlocuteurs sociaux sur un ensemble de balises permettant d’éviter les écueils que nous dénonçons.

A ce stade, il est prématuré de fermer la porte au dialogue mais nous sommes méfiants et vigilants quant aux effets néfastes de cette politique sur les enjeux d’inclusion des personnes porteuses d’un handicap en Wallonie.

Sans big-bang en matière d’inclusion via de véritables obligations de résultat en matière d’intégration de personnes handicapées dans les entreprises traditionnelles, nous risquons de demeurer fermement opposés à de tels projets qui favoriseront de surcroit la déresponsabilisation des entreprises  traditionnelles desquelles proviennent ces malades à réintégrer. Nous serions par conséquent dans l’impossibilité de nous mettre d’accord avec l’EWETA sur un cadre à ce propos.