Dans la chimie, il y a de la marge pour un accord sectoriel de qualité

Les négociations pour une nouvelle convention collective sectorielle sont dans l’impasse : les représentants patronaux de la chimie rejettent les revendications des travailleurs et affirment que l’heure est à la diète. Pas d’augmentation des salaires, pas de prise en compte des métiers lourds dans les fins de carrières et aucune amélioration majeure des conditions de travail. En d’autres termes, les attentes des travailleurs reçoivent une fin de non-recevoir de la part des patrons de la chimie. Ces derniers pointent la conjoncture et la situation économique du secteur. A ce propos, pour nous forger notre propre opinion, nous nous sommes penchés sur les comptes des entreprises. Et il en ressort une tout autre réalité : bénéfices records, salaires en berne et dividendes au zénith. Alors, l’heure est-elle à la diète ou à la justice sociale ? 

Les travailleurs créent la richesse
Tout d’abord, les travailleurs remplissent des missions cruciales dans les entreprises : ils apportent leur savoir et leur savoir-faire, ils consacrent une partie de plus en plus longue de leur vie à leurs activités professionnelles, ils sont en première ligne des innovations induites par la transition et ils portent à bout de bras les activités du secteur. En bref : ils créent de la valeur. A ce propos, les évolutions du cash-flow[1] et de l’EBIDTA[2] prouvent que cette valeur est en hausse pour la chimie : le premier indicateur a augmenté de 32,8% au cours des 3 dernières années et le second crève le plafond avec plus de 21,860 milliards € générés en 2024. Record battu. 

Qu’en est-il de la part dévolue aux travailleurs ? A ce sujet, les indicateurs répondant à cette question apportent un tout autre éclairage : 

  • La part des salaires dans le chiffre d’affaires atteint seulement 8,4%.
  • La part des salaires dans les coûts de production atteint difficilement 7,9%.
  • Et la différence entre la productivité et le salaire se situe en moyenne à 109 € par… heure.

Force est de constater que les travailleurs sont lésés par l’actuelle répartition des richesses produites et qu’une marge de négociation existe. Mais ces chiffres suscitent aussi une autre question : où vont les bénéfices ? 

Des dividendes records
Alors que les travailleurs sont rémunérés par un salaire, les actionnaires sont quant à eux rémunérés par un dividende. Le graphique ci-dessous nous fournit l’évolution des dividendes du secteur depuis 2018.

Source : BNB


Constats ? 

  • Sur la période étudiée, plus de 87 milliards € ont été soustraits des entreprises et ce, aux dépens des investissements et du personnel du secteur.
  • La rémunération des actionnaires est en hausse constante depuis 2021 et atteint un record en 2024 : plus de 25 milliards € ont quitté les entreprises au bénéfice des seuls actionnaires.
  • Notons aussi que les dividendes 2024 ont dépassé les bénéfices de la même année. En d’autres termes, on a puisé dans les réserves.

Même s’il existe des activités au sein du secteur qui n’ont pas le vent en poupe, force est de constater que l’ensemble du secteur demeure largement rentable mais répartit injustement les richesses créées.

Les travailleurs méritent leur part !
L’analyse du secteur appuie les attentes des travailleurs et renforce le sentiment d’injustice. Pour y remédier, il est impératif que les négociations sectorielles aboutissent à des améliorations des conditions de travail. Cela signifie notamment des augmentations brutes des salaires, des départs anticipés pour les travailleurs victimes de métiers lourds, des emplois de qualité, des solutions concrètes pour la santé et pour le bien-être et un accord valable pour tous les travailleurs. L’heure est à la justice sociale.

Lisez notre tract ici.


[1] Le cash-flow correspond à la différence entre l'argent qui entre et celui qui sort d'une entreprise pendant une certaine période.

[2] EBIDTA correspond au bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements.