9 années de coopération syndicale entre la CG et l’USO en Colombie

7 heures du soir, 38°, une exposition photos est visible dans l’un des parcs de la Barrancabermeja. Des mères avec leur enfants, des couples jeunes et moins jeunes, des infirmières venant de terminer leur service à l’hôpital de l’autre côté de la rue, des personnes âgées … et aussi des militants de l’USO qui se déplacent d’un panneau à l’autre.

Sur ces panneaux, des photos retracent les 90 ans d’existence de l’USO, Union Sindical Obrera, ou « syndicat du pétrole ». Elles montrent des manifestations, des actions, des affrontements avec la police, des leaders parlant à la tribune, l’enterrement d’un de ces leaders… L’exposition peut être visitée pendant deux semaines chaque fois à un endroit différent, dans un lieu public. Et les gens viennent visiter, regarder les photos. Ils cherchent à retrouver le visage de parents entre-temps décédés. “Mon père a fait grève à cette époque !”, entend-on. Au fil des années, 115 dirigeants et délégués syndicaux de l’USO ont été éliminés de façon violente.

La Centrale Générale de la FGTB et l’USO sont liées depuis 9 ans déjà par un projet de partenariat, coordonné par la Corporación Aury Sará Marrugo (CASM) . Depuis lors, l’USO ne déplore « plus que » la mort d’un délégué syndical. Le 11 décembre 2012, Milton Enrique Rivas Parra a en effet été assassiné. Dire que le projet sauve des vies est peut-être un peu court, mais les statistiques sont bien là. Et ce n’est pas tout. En janvier de cette année un monitoring - évaluation intermédiaire - du projet a eu lieu, avec une visite sur le terrain à la subdirectiva Barrancabermeja, au cœur de l’industrie du pétrole.

La CASM a conquis sa place au sein de tous les rouages de l’USO. Beaucoup de ses dirigeants actuels y ont été formés et entraînés. Grâce au projet, l’USO et la CASM peuvent investir énormément dans la formation de leurs délégués. Pour cette phase du projet (2012-2014), l’accent est mis sur les travailleurs d’entreprises sous-traitantes. Ce choix a été motivé par un gigantesque conflit social qui a éclaté dans une région où l’USO est à peine représentée, à cause des activités d’Ecopetrol. Ce sont les travailleurs des sous-traitants eux-mêmes qui ont demandé l’aide de l’USO pour les organiser. L’USO l’a fait et continue à le faire, difficilement car elle se heurte aux manoeuvres d’intimidation – entre autres – de Pacific Rubiales, une entreprise pétrolière canadienne qui emploie très peu de personnel elle-même et travaille uniquement avec des sous-traitants. La police et l’armée ne sont pas en reste. Elles bénéficient aussi de la formation. Non sans résultat : de plus en plus de ‘contratistas’ connaissent leurs droits et les font valoir, ils s’affilient à l’USO et ont entre-temps aussi leurs représentants dans les divers organes politiques. Les projets de coopération internationale fonctionnent !

L’USO a aussi investi dans la formation d’instructeurs. Il s’agit de militants de la base et de délégués syndicaux, sélectionnés en fonction de leurs capacités de formation. Ils parviennent désormais à atteindre un plus grand nombre de militants à moindres frais. On peut parfaitement les comparer aux animateurs que nous connaissons dans notre propre formation. Lors d’un programme préparatoire destiné – disons - à sensibiliser les travailleurs à l’engagement syndical, j’ai pu les voir à l’oeuvre pendant deux jours. Sans l’usage de l’espagnol, je me serais cru à une formation de la CG à Floréal. La réputation de la CASM s’est entre-temps tellement affirmée que d’autres syndicats recourent aussi à son expertise en matière de formation. Et l’USO essaye aussi d’utiliser cette expertise pour soutenir des syndicats de secteurs apparentés, comme les mines. La coopération syndicale internationale fonctionne !