"L’avenir est sombre. Je vis au jour le jour."

L'automne 2021, les employeurs et les syndicats négocieront sur la réduction du recours excessif et abusif aux contrats journaliers dans le secteur de l'intérim. La FGTB Intérim a recherché quelques témoins pour raconter leur histoire. N. est un intérimaire qui travaille pour une société de nettoyage à la SNCB. Il y effectue le nettoyage des trains sous contrat intérimaire depuis des mois. C'est déjà la deuxième fois que N. travaille comme intérimaire pour la SNCB. La première fois, en 2013-2014, on lui avait promis un contrat permanent - qu'il n'a jamais obtenu. Aujourd'hui, sept ans plus tard, il revit de jour en jour, de semaine en semaine.

"Je suis employé par la SNCB depuis plus d'un an pour nettoyer les wagons de train. Beaucoup de mes collègues font le même travail que moi sur base de contrats hebdomadaires, et ce pendant des mois. Il y a 7 ans, j'étais là aussi. J'ai nettoyé des trains pendant 18 mois. À l'époque, je travaillais souvent avec des contrats journaliers. On m'avait promis un contrat permanent à l'époque, mais je ne l'ai jamais obtenu."

Si vous laissez votre place à quelqu'un d'autre, il y a de fortes chances qu'on ne fasse plus appel à vous par la suite.

"Vous n'avez aucune garantie de stabilité. Vous pouvez difficilement planifier quoi que ce soit. Acheter un appartement, même une voiture, est presque impossible. Pour la banque, c'est déjà un "non" lorsqu'elle apprend que vous faites un travail d’intérimaire. Vous reportez également des choix personnels tels que le départ en vacances. Je n'ai pas pris un jour de congé depuis 15 mois, parce que j'ai peur de perdre mon travail. Car si vous laissez votre place à quelqu'un d'autre, il y a de fortes chances qu'on ne fasse plus appel à vous par la suite. Chaque vendredi, je rentre chez moi, mon téléphone à la main, en espérant recevoir un message me disant que je peux revenir travailler la semaine suivante. Il ne faut surtout pas sous-estimer l'impact psychologique. L'impact sur ma vie privée est énorme."

"Je dois tout faire pour garder mon emploi afin de pouvoir être repris la semaine suivante, ou le mois prochain. Les jours où je ne travaille pas sont consacrés à l'attente du travail. J'attends dans l'espoir qu'ils m'appellent, c'est ma priorité à chaque fois. J'ai plus de 50 ans, je sais que je suis remplaçable."

En principe, nous avons les mêmes droits au travail que les autres travailleurs. Mais des problèmes surviennent malgré tout.

"Les travailleurs intérimaires doivent travailler dur. Ils ont une charge de travail relativement importante. Vous pouvez presque compter plus du double de ce que doit accomplir un travailleur qui dispose d’un contrat permanent. En raison de leurs droits, ils ont la possibilité de concilier leur travail et leur vie privée de temps en temps, alors que nous, nous ne le pouvons pas. Chaque jour, c’est difficile de continuer à travailler."

"En principe, nous avons les mêmes droits au travail que les autres travailleurs. Mais des problèmes surviennent malgré tout. Nous avons notamment eu un conflit à propos des vêtements de travail : il n'y avait pas de vêtements de travail pour tous les travailleurs intérimaires, mais il y en avait pour les travailleurs permanents. Il faut savoir que nous travaillons souvent à l'extérieur. Nous avons donc besoin de vêtements contre le froid ou l'humidité, tout comme le reste des travailleurs. Le syndicat a dû se battre pour obtenir des vêtements de travail pour tous les travailleurs intérimaires."

"L’avenir est sombre. Je vis au jour le jour. Je ne pense pas avoir l’occasion de planifier quoi que ce soit pour l'avenir de sitôt. Planifier un voyage à la mer un jour de travail normal n'est pas quelque chose que je peux me permettre. Je ne veux pas perdre mon travail. Il y a bien les week-ends, mais tu penses alors à ton premier jour de travail."