Syndicats recherchent employeurs éthiques

Le jour de la lutte européenne contre la traite des êtres humains, des victimes d’exploitations sociales survenues sur les sites de Borealis et de BASF, ont témoigné en commission paritaire de la chimie, en présence de représentants patronaux. Leurs témoignages poignants ont mis en lumière des agissements inacceptables au sein de notre pays et de notre propre secteur. Face à ces drames sociaux, nous ne pouvons pas rester indifférents. Le secteur de la chimie doit prendre ses responsabilités et agir.  

 

Journée européenne de lutte contre la traite des êtres humains

La Commission européenne a instauré la Journée européenne de lutte contre la traite des êtres humains, le 18 octobre, pour sensibiliser sur ce thème et pour améliorer l'échange d'informations et de connaissances entre les différents acteurs. C'est précisément dans ce but que les syndicats FGTB Chimie et CSC avaient invité des victimes à intervenir en commission paritaire de la chimie. Leurs témoignages sont déchirants.

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"Nous sommes montés dans l'avion à l'aéroport de Dacca avec un seul objectif en tête : soutenir financièrement nos familles. Cependant, cela s'est avéré ne pas être si évident. Premier arrêt : la Hongrie. Un hôtel bon marché, des chambres humides sans chauffage, une toilette pour environ 25 personnes et aucune idée de la date à laquelle nous allions poursuivre notre voyage", raconte Raj*.

 

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"Et la situation ne s'est malheureusement pas améliorée. Alors qu'en Hongrie, nous recevions encore de la nourriture, au Portugal, ce n'était plus du tout le cas. L'objectif était toujours la Belgique, bien-sûr, et le retour n'était absolument pas une option, étant donné que nos familles avaient désespérément besoin de revenus", ajoute Aariz*.

 

Finalement, ces témoins arrivent en Belgique près de quatre mois après leur départ. Avec quelque 70 autres travailleurs étrangers, ils sont hébergés dans la banlieue anversoise. Ici aussi, les conditions sont sales et dégradantes, les journées de travail de 11 heures, les salaires inférieurs au minimum légal et les conditions de travail dangereuses : « On m’a obligé de souder à l’électricité alors qu’il pleuvait dehors », dit Taiki*. « On m’a interdit de parler à d’autres personnes et de me renseigner sur mes droits ».

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Lorsqu'un de leurs compatriotes a entendu ces histoires poignantes, il a tiré la sonnette d'alarme. Le service d'inspection est passé et a constaté la même chose : rien n'était correct et toutes ces personnes étaient clairement des victimes de la traite des êtres humains. Plusieurs victimes ont été prises en charge, d'autres n'étaient pas présentes et d'autres encore sont apparues plus tard dans une autre cour. 

 

Les employeurs sont-ils éthiques ?

L’intervention de victimes de la traite des êtres humains au sein de la commission paritaire de la chimie fait suite aux cas découverts sur les sites de Borealis et de BASF. Cela fait également suite à l’impasse des négociations actuelles entre syndicats et patronat. En effet, la fédération patronale de la chimie ne semble pas prendre la mesure du phénomène et se limite à de vagues intentions. Du côté syndical, nous ne souhaitons pas attendre qu’un nouveau scandale éclate. D’autant plus que les cas de Borealis et de BASF ne représentent que le somment de l’iceberg : selon Payoke (organisation non gouvernementale qui vient en aide aux victimes de la traite des êtres humains), on recenserait entre 18000 et 23000 le nombre de victimes. Dans ces conditions, le secteur doit prendre ses responsabilités, sans attendre que les autorités légifèrent.

Comment ? Là où les travailleurs peuvent être représentés et défendus par un délégué, les droits et les conditions de travail sont mieux respectés. Elargissons donc les compétences de nos délégations. Fournissons-leur les informations et les moyens de contrôler les réalités encourues par tout travailleur présent dans leur entreprise, indépendamment de leur type de contrat. Nos délégués sont quotidiennement dans les entreprises. Pas les inspecteurs.

Ensuite, il est nécessaire de responsabiliser le donneur d’ordre et l’entrepreneur principal. Aujourd’hui, suite à la sous-traitance en cascade, il est trop facile de se laver les mains et de ne pas regarder ce qui se passe au sein même de l’entreprise et des chantiers.

Toutefois, la fédération patronale reste froide et passive sur ce dossier. Ce combat syndical et humanitaire se poursuit donc. « Notre porte est ouverte pour aboutir à des solutions concrètes. Il s’agit d’un devoir éthique qui dépasse toute considération politique ou économique. N’attendons pas qu’un nouveau scandale fasse la une de l’actualité pour s’indigner. Agissons ».

Dans le même état d’esprit, les syndicats continueront à sensibiliser et à outiller leurs délégués d’entreprises. L’objectif est de soutenir toute action de défense des travailleurs en sous-traitance, indépendamment de leurs origines et de leur type de contrat.

 

Pour des raisons de GDPR, les noms réels ne sont pas affichés et les victimes ne sont pas photographiées de manière reconnaissable.