Le tandem De Wever-Bouchez : un danger pour le pouvoir de vivre
Pendant les négociations en vue de la formation du gouvernement, la droite politique a, comme à son habitude, proposé de modifier le système d’indexation automatique. Il s’agit de l’adaptation des salaires et des allocations sociales à la hausse des prix ou à l’inflation. On parle d’inflation lorsque les prix des biens et services augmentent. Autrement dit, l’indexation automatique, telle que nous la connaissons en Belgique, est la première protection contre la perte de pouvoir d’achat.
La note De Wever mentionne un système d’indexation nette, selon lequel, à partir d’un certain niveau d’inflation (4%), seuls les salaires nets augmenteraient, mais les salaires bruts resteraient inchangés. À première vue, cela peut sembler avantageux, mais il ne faut pas se leurrer. Ce changement serait une attaque frontale contre la sécurité sociale, le pouvoir d’achat et les droits des travailleurs et travailleuses.
Pourquoi est-ce une mauvaise idée ?
Le salaire brut est la base sur laquelle sont calculés tous les droits sociaux : pensions, allocations de chômage, indemnités de maladie. En n’augmentant que le salaire net, le pouvoir d’achat des travailleurs
et travailleuses peut se maintenir à court terme, mais en réalité, ils en paieront le prix à long terme. Les
droits sociaux seront affaiblis: baisse de la pension, des indemnités de maladie, de la prime de fin d’année,
du pécule de vacances, du congé parental, du crédit-temps, du congé de maternité… Qui en pâtira en fin de compte ? Les travailleurs et travailleuses les moins bien payés. En effet, les gros salaires se situent au-dessus du plafond du salaire brut sur la base duquel les droits sociaux sont calculés. Ce n’est pas le cas des petits et moyens salaires. Ce sont donc eux qui paieront le plus lourd tribut.
Une attaque contre les salaires
Modifier l’indexation crée un effet boule de neige à long terme. Supposons que cette année, l’inflation dépasse les 4% et que seul le salaire net soit indexé. Cela aura pour conséquence que la prochaine indexation du salaire brut se fera à partir d’un salaire plus bas. Une indexation nette équivaut donc à un saut d’index partiel. Ce saut suivra les travailleurs tout au long de leur carrière et la différence peut se chiffrer en dizaines de milliers d’euros.
Tout le monde est perdant, sauf les employeurs. Eux, ils bénéficient de cette mesure. Comment ? Grâce à une forte réduction des cotisations sociales. Ce cadeau est financé par la sécurité sociale.
Il en va de même pour l’idée de retirer certains produits, comme l’énergie et le gaz, du panier des produits dans le calcul de l’index. Ce panier est le résultat d’une étude scientifique et indépendante. Joliment présenté comme un « index de durabilité », c’est en réalité une manipulation de l’index et donc une atteinte au pouvoir d’achat des ménages.
Les services publics dans le collimateur
De bons salaires bruts génèrent des revenus fiscaux. Ceux-ci sont nécessaires au bon fonctionnement des écoles, hôpitaux, bus, trains et autres services publics. En passant à un système d’indexation nette, le tandem De Wever-Bouchez veut saper la solidarité sur laquelle notre système social est construit. Là encore, ce sont les plus vulnérables qui en paieront le prix.
Les services publics sont la colonne vertébrale de notre société. Chaque citoyen, quel que soit son revenu ou son statut, compte sur des services accessibles tels que les transports publics, l’éducation, les soins de santé et les infrastructures. Si ces services sont érodés, nous en payons tous le prix — en argent, en temps et en qualité de vie.
Car la diminution des investissements dans les services publics entraîne inévitablement une baisse de leur qualité. Moins de trains, des routes dangereuses, des délais d’attente plus longs pour les soins de santé et des prisons surpeuplées. La droite s’en servira comme excuse pour privatiser davantage ces services. Il s’agit d’une spirale dangereuse qui ne sert que les profits des entreprises tout en affaiblissant davantage la population.
- Moins de subsides pour la SNCB et Bpost équivaut à moins de services et des prix qui vont encore grimper.
- Réduire de 1,85 milliard les dépenses de fonctionnement du gouvernement signifie moins de personnel et des conditions de travail plus difficiles. Nos fonctionnaires méritent le respect et la reconnaissance, au lieu d’une charge de travail supplémentaire et de l’insécurité.
- Réduire de moitié le budget de la coopération au développement et de la politique scientifique, ce
serait un désastre pour la solidarité internationale et l’innovation technologique. - Rogner sur les services destinés aux demandeurs d’asile n’est pas une politique humaine, mais une attaque contre les plus vulnérables d’entre nous.
Quelles sont les avantages de l’index ? – C’est un amortisseur économique qui permet de faire face à une crise. Ainsi, lorsque les prix augmentent, les salaires s’adaptent automatiquement, sans que personne ne doive négocier. L’indexation s’applique à toutes et tous, tant pour les salaires que pour les pensions et les allocations sociales, quel que soit le secteur ou l’entreprise. – Il favorise la paix sociale, car sans indexation automatique des salaires, des conflits sociaux pourraient survenir à tout moment lorsque les prix augmentent. Les négociations salariales entre les représentants des travailleurs et l’employeur ne portent alors « que » sur les augmentations de salaires réelles, quiviennent s’ajouter à l’indexation. – La spécificité du système belge : les indexations sont échelonnées. Cela permet d’éviter les chocs économiques qui se produiraient si tous les salaires et avantages sociaux augmentaient en même temps. La sauvegarde du pouvoir d’achat protège l’activité économique et la consommation intérieure. – Le système garantit la solidarité entre les secteurs forts et les secteurs faibles, mais aussi entre les travailleurs actifs et non-actifs. |
Redonner aux syndicats la liberté de négocier
Depuis l’introduction de la loi sur la norme salariale de 1996, les syndicats ont été de plus en plus limités dans leur capacité à négocier des augmentations salariales réelles pour les travailleurs et travailleuses. Le carcan de la loi sur la norme salariale — surtout depuis son durcissement par le gouvernement Michel en 20217 — maintient les salaires à un niveau artificiellement bas (pour les années 2023- 2024 : 0%). Cela entrave le progrès social de millions de travailleurs. La loi doit être révisée d’urgence.
Source : Syndicats Magazine - Edition spéciale - Septembre 2024