« Ce gouvernement impose ses mesures tel un bulldozer, sans la moindre humanité »

Après 40 ans de carrière marquée par 38 ans de travail en équipes et de nuit au sein de l’entreprise chimique Prayon, l’heure de la pension avait sonné pour Antonio Cuevas Sanchez. Mais le gouvernement Arizona a rebattu les cartes en réformant sans sourciller les fins de carrière. Pour Antonio, déjà lourdement affecté par la pénibilité de son travail, la pilule est amère. Son témoignage illustre avec force le ressenti de milliers de travailleurs impactés par cette réforme.

Les masques sont bel et bien tombés, nul ne peut plus l’ignorer. Alors que le gouvernement Arizona promettait de valoriser le travail, il fait tout le contraire et n’hésite pas à sacrifier les fins de carrière des travailleurs et des pensionnés pour faire des économies. Le récent accord budgétaire conclu fin novembre en atteste : le gouvernement n’a aucune reconnaissance envers les travailleurs qui ont tout donné durant leur carrière sont une variable d’ajustement à leurs yeux. 

Que t’inspirent les mesures prises par le gouvernement Arizona ?

Ce sont des mesures injustes, déconnectées et profondément antisociales. Ces gens ne comprennent rien à ce que vivent les travailleurs dans les usines, sur les chantiers. Les responsables politiques n’ont jamais travaillé de nuit, jamais connu la pénibilité, jamais subi l’usure physique et psychologique de métiers lourds. Ce sont des mesures imposées « avec un bulldozer », sans nuance, sans humanité. 

Les réformes de l’Arizona allongent les carrières, réduisent les possibilités de partir dignement, et ignorent totalement la différence entre un travail de bureau et un travailleur qui passe la vie à porter, réparer, soulever, respirer des fumées ou assumer des horaires de travail destructeurs.

L’Arizona s’attaque aux travailleurs les plus fragilisés, tout en épargnant les plus favorisés.

Quel est l’impact de ces mesures sur votre propre fin de carrière ?

A cause des mesures qui ont été prises, il me manque quelques mois pour entrer dans un système de prépension auquel j’aurais normalement eu droit. Les réformes de l’Arizona ont cassé les conventions en cours, empêché leurs prolongations et précipité des milliers de travailleurs dans une impasse. Ma seule option pour mettre un terme à ma carrière, c’est la pension anticipée. Mais cette perspective devient elle aussi incertaine. 

Le gouvernement dit prendre ses responsabilités et appelle les travailleurs à faire des efforts. Est-ce vraiment inenvisageable de prolonger votre carrière ? 

Je n’y arriverais pas. Je suis cassé par ces 38 années de travail en équipes. Ca a vraiment laissé des traces. Ca chamboule complètement ton rythme de vie : sommeil dégradé, absence de récupération, épuisement permanent, pertes de concentration, et finalement des problèmes cardiaques sérieux.  A 30 ans, ça me semblait faisable, je récupérais beaucoup plus facilement. Mais les années ont filé et le corps n’a plus suivi.  J’ai eu des soucis cardiaques et le cardiologue m’a fait comprendre que poursuivre sur un tel rythme, c’était prendre de très gros risques pour ma santé, voire pour ma vie. J’ai donc dû me résoudre à passer en horaire de jour. 

La direction de votre entreprise était-elle prête à adapter votre travail ? 

Rien n’était prévu pour me permettre de passer en horaire de jour. Ils ont improvisé. On m’a ballotté d’un service à l’autre, et on n’a clairement pas réduit ma charge de travail malgré les circonstances et mes difficultés. Heureusement, le fait d’avoir adopté un rythme de travail de jour a amélioré mon état. Même si certains problèmes sont irréversibles. Je lance un appel auprès des responsables politiques et des employeurs : le travail de nuit détruit la santé, et les travailleurs concernés doivent être protégés, ils doivent avoir la possibilité de s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard. 

Quel message souhaitez-vous adresser aux travailleurs en cette période socialement difficile ?

Mon message est simple : soyons solidaires. Chaque travailleur arrivera tôt ou tard à sa fin de carrière, souvent fatigué, parfois usé, et découvrira alors à quel point il est difficile d’être seul face à des règles injustes. J’appelle les travailleurs à se battre pour une pension décente, des conditions stables et une vraie prise en compte de la pénibilité. 

J’insiste également sur l’importance de faire preuve d’humanité dans les décisions politiques et dans le monde du travail. On s’en éloigne d’année en année. Sans respect des travailleurs, c’est toute la société qui se fragilise.