Des avancées historiques dans les ETA, mais nous continuons le combat !  

Après des années de mobilisation, un accord historique vient d’être conclu pour le secteur des ETA, les entreprises de travail adapté. Enfin ! Depuis plusieurs années, nous nous battons pour que le secteur soit traité de manière équitable par rapport à d’autres secteurs similaires. Finalement, c’est grâce au refinancement du secteur du non marchand décidé par le gouvernement wallon que le secteur des ETA a pu bénéficier d’un budget supplémentaire pour les 10.000 travailleuses et travailleurs du secteur. Arnaud Levêque, secrétaire fédéral responsable du secteur pour la Centrale Générale – FGTB  est l’un des artisans de cet accord. Avec Cathy Veirman, déléguée chez Entra, ils reviennent sur la réalité du secteur et les perspectives pour le futur.  

Cathy, tu es déléguée depuis un an, qu’est-ce qui t’a poussé à sauter le pas ?  

Je travaille chez Entra depuis 8 ans, c’est la plus grosse ETA de Wallonie et elle occupe environ 900 travailleurs. Et même si Entra n’est pas un mauvais employeur, c’est loin d’être parfait. Les travailleurs ont besoin d’être défendus. Le patron, lui ne pense qu’à satisfaire les clients et nous, nous devons juste nous adapter avec des cadences inadaptées. Donc, j’ai décidé de devenir déléguée pour lutter contre les injustices, aider mes collègues et les écouter. Dans les ETA, on travaille juste pour survivre. On doit compter le moindre sou alors qu’on travaille. Il fallait pouvoir faire entendre à la direction la réalité des travailleurs. Et même s’il n’y a pas longtemps que je suis déléguée, c’est un choix que je ne regrette pas : être déléguée, ça m’a ouvert les yeux, c’est un énorme plus, aujourd’hui je me sens très utile.  

Arnaud, quand tu as appris que les ETA pourraient bénéficier du refinancement du secteur des soins de santé, comment avez-vous défini les priorités et la manière dont l’argent serait utilisé ?  

Arnaud : Très simplement : on a repris les principaux éléments qui reviennent à chaque négociation. Il est évident que pour les travailleurs porteurs d’un handicap, il existe des besoins spécifiques, malgré tout la question financière est récurrente. On a donc axé tous nos efforts dans ce domaine. D’autant plus que par rapport à d’autres secteurs similaires (travail et qualification), les ETA étaient fortement en retard. Aujourd’hui, on avance, mais nous sommes bien conscients que le combat est loin d’être fini, notre objectif reste d’atteindre un salaire horaire de 14 € de l’heure, le minimum nécessaire pour vivre dignement de son travail.  

Cathy : Quand j’ai expliqué aux collègues ce que nous avions acquis, ils étaient tous très contents, ça nous motive à poursuivre le combat. Ça aide les travailleurs à se sentir mieux dans leur peau, ils se sentent reconnus. Quand on travaille dans les ETA, on est souvent infantilisé. Par exemple, certains travaillent avec des PC, mais ils ne peuvent pas avoir de bouteille d’eau près d’eux, de peur qu’ils ne renversent… comme si nous avions le monopole de la maladresse ! Pour bon nombre d’entre-nous, nous avons juste un handicap physique. Ou alors quand on est trop souvent malade, on est appelé au bureau et on nous fait promettre de ne plus être malade ! Comme si nous choisissions.   

A côté de l’aspect financier, d’autres points ont aussi été pris en compte, lesquels ?  

Arnaud : La question des travailleurs âgés est elle aussi importante dans les ETA. Les travailleurs du secteur ont souvent des problèmes de santé qui s’accentuent avec l’âge. Et même si dans les ETA, on peut encore finir à 58 ans, ce n’est pas suffisant. On a donc décidé d’octroyer 2 jours de congés supplémentaires aux travailleurs âgés de 50 ans et plus. Et un jour supplémentaire à partir de 55 ans. Le système est imparfait, mais c’est une manière de prendre en compte la situation des travailleurs âgés. 

Cathy : Beaucoup de travailleurs auraient aimé aller vers une réduction collective du temps de travail :  passer à la semaine de 4 jours avec maintien du salaire et l’embauche de jeunes pour les former.  

Arnaud : Il est vrai que nous avons envisagé un tel système, mais cela aurait pris tout le budget et on savait quel point  le pouvoir d’achat était essentiel pour les travailleurs. Il a donc fallu faire des choix.  

Avec l’accord conclu dans les ETA, la notion d’accord solidaire prend tout son sens. Pourquoi ?  

Arnaud : Si un secteur comme les ETA existe, c’est grâce aux subsides accordés par le gouvernement wallon. Et ces subsides, ils proviennent des cotisations  prélevées sur les salaires de millions de travailleurs. C’est la fameuse différence entre le salaire brut, sur lequel des cotisations sont prélevées et le net. En bénéficiant de subsides supplémentaires, le secteur des ETA a clairement bénéficié de la solidarité des autres travailleurs. Au moment d’utiliser cet argent, il était important qu’à notre tour, nous fassions jouer cette solidarité en accordant des augmentations en brut. A notre tour, nous pourrons aider les autres. Sans oublier que  les augmentations en brut ont des conséquences positives sur la pension, la prime de fin d’année, le pécule de vacances…  

Cathy : Il est vrai qu’au début, mes collègues étaient un peu déçus, ils auraient aimé un chèque consommation ou d’autres avantages en net, mais quand je leur ai expliqué le principe, ils ont compris et aujourd’hui, tout le monde adhère au principe. 

Quelles sont les perspectives pour le futur ?  

Arnaud : Notre priorité était de remettre le secteur dans les standards d’autres secteurs similaires. Aujourd’hui on y est. Et ce n’est pas tout, en 2024, le personnel de production bénéficiera d’une évolution automatique des salaires en fonction de l’ancienneté  et un fonds de formation sera mis en place afin de permettre aux travailleuses et aux travailleurs de suivre des formations adaptées à leurs besoins ou leurs envies. 

Mais il est clair que nous avons encore un énorme chantier devant nous et l’aspect qualitatif du travail reste essentiel. Nous voulons notamment que les entreprises prennent plus en compte le type de handicap. Actuellement, on a l’impression que c’est le client qui fixe les règles, le patron impose et le travailleur exécute. Or, les directions doivent oser dire stop à ce type de clients et le pouvoir public doit lui aussi prendre ses responsabilités en étant plus attentif aux politiques sociales des entreprises qui bénéficient de subsides.