2,9 milliards euros d’aides incontrôlées versus 0,10 € d’augmentation salariale

La Cour des Comptes vient de publier un rapport alarmant sur un cadeau aux entreprises méconnu du grand public : les dispenses de versement du précompte professionnel . L’enjeu est financier (2,9 milliards €) et social vu l’impact de cette mesure sur les conditions de travail.

Vous avez dit « dispense de versement du précompte professionnel » ? 

Brève explication. Il s’agit de dispenses automatiques de versements d’une partie du précompte professionnel. Concrètement, l’entièreté du précompte professionnel est prélevé du salaire brut du travailleur (son salaire net n’est donc pas augmenté), mais une partie demeure dans les caisses de l’entreprise. Ce mécanisme fiscal a été créé en 2004 et ciblait uniquement les entreprises recourant au travail en équipes et de nuit. Depuis lors, cette mesure a été élargie à d’autres domaines (heures supplémentaires, recherche et développement, sportifs,…) et les pourcentages de dispense ont significativement augmenté : de 198 millions € en 2005 à 2,9 milliards € en 2017.

Les points d’attention de la Cour sont nombreux. Florilège : 

Les objectifs de la plupart des dispenses ne sont pas concrets et mesurables. Dans le rapport, nous lisons notamment que « ces mesures n’ont pas fait l’objet d’études d’incidences préalables qui auraient permis d’étayer la décision politique ». Conclusion : impossible d’évaluer une mesure qui représente pourtant un manque à gagner de 2,9 milliards €.

En matière de contrôle, le constat est encore plus sévère : uniquement a posteriori, parfois inexistant et à l’aveugle. Or, les contrôles tout de même mis en place par l’administration fiscale aboutissent une fois sur deux à des rectifications de l’impôt. La Cour pointe aussi des « difficultés d’interprétation et des désaccords » qui ont pour conséquence l’absence totale de contrôle en 2018 des aides phares « recherche et développement » et « travail en équipes et de nuit ». Soit, 2,3 milliards € incontrôlés. 

Pas de chèque en blanc! Stop aux aides qui nuisent à la santé

La FGTB Chimie-Pétrole avait déjà tiré la sonnette d’alarme lors du développement de ce chèque en blanc que représente la dispense de versement de précompte professionnel. Le porte-parole syndical Andrea Della Vecchia pointe principalement le sponsoring du gouvernement sur le travail en équipes et de nuit : « est-il éthique de soutenir aveuglément ce régime de travail alors qu’il est médicalement prouvé qu’il nuit à la santé ? De même, pourquoi encourager fiscalement les entreprises à recourir aux heures supplémentaires alors qu’elles ont un impact négatif sur la création d’emplois et sur la conciliation vie privée/vie professionnelle ? ».

Le rapport de la Cour des Comptes oblige les décideurs politiques à revoir le mécanisme. 

« Notre attente envers le prochain gouvernement est claire : stop au chèque en blanc, stop aux aides qui nuisent à la santé et au bien-être des travailleurs. Enfin, l’iniquité est criante : 2,9 milliards € d’aides incontrôlés et 10 centimes d’augmentation des salaires. Où est la justice sociale ? »

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