Travailler jusqu’à l’épuisement : la nouvelle norme imposée par l’Arizona

Anthony  n’a que 40 ans mais a déjà de nombreuses années de carrière derrière dans un régime de travail en équipes et de nuit. L’entreprise AGC Moustier où il travaille produit du verre plat à l’échelle mondiale. Pour maintenir les fours de l’usine en activité, elle fonctionne en feu continu. Chaque semaine, son horaire changeait et il devait donc constamment adapter son rythme. Aujourd’hui, il est passé en horaire de jour, ce qui est un véritable soulagement mais il pense à ses collègues qui continuent leur carrière dans des régimes de travail atypique et s’inquiète des mesures prises par l’Arizona.

Le gouvernement Arizona a récemment annoncé un durcissement des règles en matière de fin de carrière. Comment ces mesures vous touchent-elles personnellement ?

C’est une situation très compliquée car les travailleurs de notre usine sont majoritairement dans la quarantaine. Pour notre génération, les départs à la pension anticipée et les aménagements pour soulager les fins de carrière, ce sera fini. Ce sont pourtant des possibilités très prisées et essentielles pour permettre aux travailleurs plus âgés de tenir le coup. La plupart de mes collègues qui entrent en compte pour ces systèmes y ont d’ailleurs recours. Mais là où les travailleurs plus  âgés sont révoltés par ces mesures, ça ne semble pas tracasser les plus jeunes pour qui la pension est quelque chose d’encore très abstrait. Ils se disent que les choses vont changer, qu’il suffit d’attendre. Mais ce n’est pas en adoptant une posture attentiste qu’on fait bouger les choses. Il faut se mobiliser tant qu’il est encore temps.

La pénibilité physique au travail, vous la ressentez au quotidien ?

Chez AGC, il y a la pénibilité du travail mais aussi les horaires atypiques. Certains secteurs sont plus physiques que d’autres. Je pense particulièrement aux maçons qui travaillent par très forte chaleur pour rénover les fours, aux manutentionnaires qui marchent énormément et soulèvent des charges à longueur de journée, tout comme ceux qui chargent les camions. Ajoutez à ça notre temps de travail à horaires postés, c’est très pénible. Avec certaines pauses, il faut parfois travailler 15 jours d’affilée ! Même les jours fériés, ces gens sont au boulot. Et plus on vieillit, plus c’est dur de travailler en pause. Et ces travailleurs ont d’autant plus de risques de tomber malades à cause de ce rythme. Travailler dans ces métiers après 60 ans, ça va être mission impossible.

Quelles sont vos perspectives d’ici vos 67 ans ?  

Difficile pour moi de me projeter dans 27 ans… mais si je prends l’exemple de mon père qui travaillait à pauses chez AGC à la manutention, il a eu l’opportunité de partir en prépension à 50 ans. Il a vraiment bien fait de la saisir. Et aujourd’hui, on demande aux gens de travailler jusqu’à 67 ans ? C’est une sacrée différence. Aujourd’hui, mon père a 69 ans et peut vraiment profiter de la vie. Pas sûr qu’on pourra dire la même chose des futurs pensionnés à 67 ans. Les mesures du gouvernement sont inhumaines.

Votre ressenti est-il partagé par vos collègues ? En parlent-ils également ?

Ceux qui approchent des 60 ans sont inquiets. Ils veulent savoir ce qu’ils risquent en prenant leur pension, ce qu’ils vont perdre financièrement. Pour certains, ce sera une perte de 20% de salaire s’ils prennent leur pension anticipée ! Ceux qui ont encore la possibilité de partir aujourd’hui le font avant qu’il ne soit trop tard. Je suis également inquiet pour les 55+ qui seront confrontés à une restructuration. Ils vont devoir retrouver un emploi mais seront-ils encore en état de le faire ? Les employeurs seront-ils intéressés par des travailleurs plus âgés ou vont-ils privilégier des jeunes plus dociles ? Et puis, à quelles conditions vont-ils être engagés ? Toutes ces questions inquiètent les travailleurs et le gouvernement n’y apporte aucune réponse. Il n’y a que les chiffres qui les intéressent.

Si vous aviez le pouvoir de décider, quelles modifications devraient être apportées pour répondre aux préoccupations des travailleurs concernant la fin de carrière ?

Je supprime toutes les mesures qui ont été prises par le gouvernement Arizona ! Je laisserais les gens libres de partir à la pension plus tôt, avec une pension digne et permettre aux jeunes de prendre la relève. Quand on voit les milliards brassés par les multinationales, et les efforts qu’on nous demande aux travailleurs, je suis vraiment révolté.