Le travail faisable, même la nuit : prévention et politique dans la pratique
Nous avions déjà évoqué que le travail de nuit a un impact sur le corps et l’horloge biologique. (Lien vers l’article précédent). Mais que peuvent faire les entreprises pour contrer cet impact et comment le fonds démographie joue-t-il un rôle à cet égard ? La Centrale Générale - FGTB s’est entretenue avec le professeur Dr. An Mariman, experte en sommeil à l’hôpital universitaire de Gand, UZ Gent.
Nous soulevons cette question en raison des mesures actuellement envisagées par le gouvernement de l'Arizona concernant le travail de nuit.
Que pensez-vous de l'assouplissement du travail de nuit prévu par le gouvernement ?
"Je ne peux pas faire de commentaires sur les nécessités économiques. En tant qu'expert en sommeil, je ne peux donner que des conseils médicaux pour optimiser la santé. Ces ajustements au cadre juridique du travail de nuit ne devraient en aucun cas éroder l'importance qui devrait être attachée au bien-être des travailleurs qui travaillent de nuit et ce pour les raisons médicales expliquées dans la contribution précédente"
Constatez-vous déjà des évolutions en matière de politique et de sensibilisation ?
« On constate un intérêt scientifique plus important pour l'impact du travail de nuit et du travail posté sur le sommeil, la santé et le bien-être. La recherche met de plus en plus en évidence les conséquences négatives des horaires de travail irréguliers, telles que les troubles du sommeil, l'augmentation du niveau de stress et les problèmes de santé chroniques. Pourtant, le financement structurel de la recherche sur le travail posté reste limité, ce qui rend difficile la traduction en recommandations pratiques et en mesures politiques. Alors qu'il existe un mouvement politique et scientifique autour de la santé liée au travail, le travail de nuit et le travail posté y sont encore sous-exposés"
Que peuvent faire les entreprises pour réduire l'impact du travail de nuit ?
"Elles peuvent fixer des limites au nombre d'heures travaillées par 24 heures et par période de 7 jours, ce qui est essentiel pour garantir la santé des travailleurs postés. Il s'agit de restreindre le nombre d'heures supplémentaires et le moment où elles sont effectuées. Un minimum de 10 à 11 heures consécutives de repos par 24 heures devrait être garanti pour que les travailleurs puissent dormir au moins 7 heures"
Que peuvent-elles faire en particulier ?
- Dépistage préventif: "Une évaluation systématique et préventive de l'aptitude au travail de nuit par le service de médecine du travail est indiquée"
- Surveillance périodique de la santé: "Il convient d'examiner les travailleurs de nuit et les travailleurs postés à intervalles réguliers afin de détecter les troubles physiques et psychologiques liés à la tension chronique"
- Vigilance et sécurité: « Une exposition optimale à la lumière sur le lieu de travail, avec une intensité accrue pendant la première moitié du shift de nuit, de préférence entre 00h00 et 04h00. Il devrait être possible de prendre de courtes pauses ou de faire des powernaps (de 10 à 20 minutes), à condition de disposer d'installations de repos adéquates"
- Mode de vie sain: "Proposer des repas sains par l'intermédiaire du restaurant de l'entreprise ou du service de restauration, offrir l'accès à des installations de remise en forme telles que des tapis roulants et des vélos d'appartement, et encourager la détente par l'éducation et des techniques pratiques de relaxation et de respiration"
- Éducation sur l'hygiène du sommeil et d’éveil : "Une éducation ciblée pour les travailleurs postés, et les travailleurs de nuit en particulier, est nécessaire"
- Soutien psychosocial : "Faciliter l'accès aux soins de santé mentale, au coaching et aux services de conseil"
- Sécurité routière : "Encourager l'utilisation des transports publics, en particulier après les shifts de nuit longs"
Quel est le rôle du Fonds démographie à cet égard ?
"Les syndicats peuvent développer plusieurs points d’attention pour mieux soutenir les travailleurs postés et aider ainsi les entreprises à instaurer une culture du bien-être efficace. Par exemple, le fonds démographie pourrait soutenir des projets pilotes sur le bien-être des travailleurs postés dans des entreprises individuelles ou lancer un programme éducatif pour toutes les entreprises de ce secteur spécifique."
Par exemple, les entreprises peuvent :
- "Assurer une représentation permanente des travailleurs postés au sein des conseils d'entreprise et des CPPT. »
- "Travailler avec les syndicats pour mettre en place des programmes de prévention en matière de santé (conseils sur le sommeil, accompagnement dans la gestion du stress, ...)."
- "Soutenir les campagnes syndicales sur les risques psychosociaux liés aux horaires de travail irréguliers. »
- "Encourager les syndicats pour qu’ils impliquent également activement les travailleurs postés atypiques et vulnérables (travailleurs temporaires, à temps partiel, plus âgés). »
Le travail de nuit nécessite une politique, de la prévention et du soutien. "Il est opportun de prévoir un financement ciblé pour la recherche sur le travail posté et la santé liée au sommeil", a déclaré le professeur Dr. An Mariman. Les syndicats et le Fonds démographie peuvent jouer un rôle clé à cet égard. Parce qu'un travail faisable est un droit, y compris pour les travailleurs de nuit.
