La consultation du médecin du travail ne dure que 6 minutes

La FGTB Chimie-Pétrole a organisé une journée d'étude le vendredi 2 décembre 2022 sur le thème de la surveillance médicale et de son prolongement. Les participants ont notamment pu échanger avec Steven Ronsmans, professeur à la KUL et médecin à l’hôpital de Louvain, et avec Wim Ceunen, délégué de la FGTB Chimie à BASF, qui est déjà très actif dans le domaine de la surveillance médicale prolongée.

Ce thème a fait l’objet de nombreux échanges entre délégués. Quelques extraits.

1 travailleur sur 2 est en danger

Préalablement à la journée d’étude, nous avons sondé nos affiliés de la chimie et du pétrole : estimez-vous travailler en sécurité ? Votre santé est-elle mise en danger par les tâches que vous réalisez ? Connaissez-vous votre médecin du travail ? Les réponses des travailleurs nous révèlent de graves manquements :

  • 1 travailleur sur 2 estime que son travail est un danger pour sa santé et sa sécurité.
  • 1 travailleur sur 5 déclare que son employeur ne prend pas suffisamment de mesures pour le protéger.
  • Le médecin du travail ? 1 travailleur sur 4 ne le connaît pas.

Pour en savoir plus sur ces chiffres, lisez ce qui suit.

Dokter Ronsmans
     Dr Ronsmans

Surveillance pour prévenir des problèmes

Le Dr Ronsmans n'est pas surpris par les résultats de notre enquête : “Les chiffres sont conformes aux attentes et cela pose un gros problème. A l'hôpital, nous avons une consultation pour les maladies professionnelles ou les cas de suspicion de ces affections. La plupart des personnes que nous y voyons relèvent de la catégorie des travailleurs qui ne connaissent pas leur médecin du travail ou ne savent pas comment le contacter.”

De telles situations ont un impact négatif à long terme sur la santé. Il confirme également ce qui suit : “Dans les entreprises où la surveillance est adéquate, moins de personnes semblent tomber malades. Il s'agit donc bel et bien d'un aspect à améliorer.”

La surveillance de la santé a été instaurée pour détecter rapidement les effets sur la santé des expositions sur le lieu de travail. Si le travailleur est exposé à une substance dangereuse, il incombe au médecin du travail de voir le plus rapidement possible si cela a un impact. “C'est précisément pour cela qu'il est important que le médecin du travail sache exactement quels sont les risques, quels tests effectuer pour détecter les effets, et surtout comment les interpréter. Ce n'est pas toujours évident, car tous les médecins du travail ne connaissent pas les risques exacts des substances chimiques présentes dans une entreprise et, en outre, tous les médecins du travail ne sont pas spécialisés dans la détection de ces substances”, ajoute le Dr Ronsmans.

“Une consultation dure en moyenne 6 minutes”

Maxime
  Maxime Coopmans

Maxime Coopmans, collaborateur du service Bien-être, souligne qu'il existe une grande différence par rapport aux autres pays européens : “En France et en Italie, il y a plus de médecins du travail par rapport au nombre de travailleurs.” Etant donné que la Belgique compte si peu de médecins du travail, certains types de travail ont perdu le droit aux médecins du travail au fil des années, p.ex. le travail sur écran.

Même les médecins du travail avouent ne plus être en mesure de réaliser des investigations approfondies sur les conséquences du travail sur la santé des travailleurs. A noter qu'une consultation ne prend que 6 minutes en moyenne. “Si vous êtes un travailleur exposé à des risques multiples, il est impossible d'effectuer tous les examens nécessaires dans ces 6 minutes. L'examen est donc effectué de manière très superficielle”, dit Maxime.

Un examen devient aussi immédiatement plus qualitatif si le médecin du travail peut établir un lien entre les résultats des travailleurs ayant subi les mêmes expositions. Le Dr Ronsmans explique : “Si vous contrôlez 10 travailleurs et que 6 d'entre eux présentent une augmentation des taux sanguins, vous pouvez en conclure qu'il y a un effet découlant de l'exposition qu'ils subissent. Si l'on ne considère que les résultats individuels, le résultat des valeurs sanguines d'un travailleur peut également être lié à son mode de vie.”

La surveillance prolongée

Andrea
 Andrea Della Vecchia

La surveillance de la santé ne s'arrête pas après le départ de l’entreprise. Si vous prenez votre retraite, partez en RCC ou si vous changez d'emploi ou de fonction, vous avez toujours droit à une surveillance médicale prolongée dans les secteurs de la chimie et du pétrole depuis le 1er janvier 2022. Andrea Della Vecchia, secrétaire fédéral de la FGTB Chimie-Pétrole, précise : “Grâce à nous, la surveillance médicale se poursuit après avoir quitté l'entreprise. Cette surveillance concerne les travailleurs qui font déjà l'objet d'une surveillance médicale obligatoire pour les fonctions à haut risque liées à des activités impliquant des agents physiques, chimiques ou biologiques..”

Le médecin Ronsmans pointe l’utilité de prolonger la surveillance médicale : “Les cancers, p.ex., n'apparaissent que très tard après une exposition chimique. En revanche, la recherche de l'asthme a plus de sens pendant l'exposition.”

Quels examens sont nécessaires ?

wim
    Wim Ceunen

Wim Ceunen, délégué de la FGTB Chimie chez BASF, a témoigné de la manière dont la surveillance de la santé y est appliquée et discutée. Il travaille dans une entreprise où des centaines de produits chimiques différents sont utilisés. Ils travaillent avec un service médical interne et environ la moitié des travailleurs passent des examens médicaux annuels. “Les expositions sont également contrôlées pendant le travail et un rapport y afférent est présenté au CPPT. Nous avons eu une concertation proactive avec notre médecin du travail au sujet de ces CCT”, a déclaré Wim.

Il évoque également d'éventuelles évolutions futures : “En fait, nous avons 28 installations, chacune d'entre elles avec ses propres expositions. Un système automatique devrait être mis en place pour rappeler aux (anciens) travailleurs qu'ils doivent se soumettre à un contrôle. Actuellement, ils doivent y penser eux-mêmes.”

“Il y a encore trop peu de recherches sur les effets spécifiques de chaque produit chimique et sur l'impact du travail en équipes. C'est dommage, puisque là aussi, il y a des problèmes”, dit Wim.

Et moi, dans mon entreprise ?

Lisa
          Lisa Trogh

Grâce à Lisa Trogh du service bien-être, les délégués ont également reçu des conseils pour approfondir cette question au sein de leur entreprise. Combien de travailleurs sont concernés ? Quelles sont les fonctions à risques ? Qu'attendons-nous du médecin du travail ?

Sans surprise, ce thème fera l'objet de nombreuses initiatives locales de la part des délégués de la FGTB Chimie-Pétrole.